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Biologie du Lapin par François LEBAS Directeur de Recherches honoraire de l'INRA |  | 
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lapin européen (Oryctolagus cuniculus) fait partie de l'ordre des 
Lagomorphes. Il a 2 x 22 = 44 chromosomes. L'ordre des Lagomorphes (littéralement 
: ceux qui ressemblent au lièvre) se distingue de celui des 
Rongeurs en particulier par l'existence d'une deuxième paire d'incisives 
à la mâchoire supérieure. Une classification simplifiée 
des Lagomorphes est fournie au tableau 
1. Les personnes curieuses des autres lagomorphes y touveront un tableau 
général et des renvois vers des articles courts sur la biologie 
de la majorité des autres lagomorphes (avec photos chaque 
fois que possible). De la position taxonomique du lapin, il convient de 
retenir qu'il correspond à la seule espèce de son genre. Par voie 
de conséquence, il ne peut se croiser avec aucun autre lagomorphe. Il n'existe 
donc aucun hybride vrai entre l'espèce lapin et une autre espèce 
"voisine". Ainsi, les lapins abusivement appelés "hybrides" par les cuniculteurs professionnels, ne sont en fait que des croisements entre des races ou surtout des lignées spécialisées, appartenant toutes à l'espèce Oryctolagus cuniculus. | ||
| Oryctolagus cuniculus 
est le seul mammifère domestiqué dont l'origine paléontologique 
se situe en Europe de l'Ouest. Les restes fossiles les plus anciens du genre sont 
datés d'environ 6 millions d'années et ont été retrouvés 
en Andalousie.  | |||
| Un peu d'histoire et origine du nom | Au plan historique, le lapin fut "découvert" en Espagne vers 1000 avant J.C. par les Phéniciens. Lorsque ces grands navigateurs de la partie Est de la Méditerranée abordèrent les côtes de la Péninsule Ibérique, ils furent frappés par la pullulation de petits mammifères fouisseurs que nous appelons aujourd'hui lapins. Comme ils ressemblaient aux damans de leur pays qui vivent également en colonies et creusent des terriers, les Phéniciens appelèrent la contrée "le pays des damans", "I-Saphan-Im". En effet, saphan (ou sephan) signifie daman en phénicien. Cette dénomination latinisée plus tard donnera le nom Hispania (Rougeot, 1981). Ainsi, le nom même de l'Espagne est lié à la présence historique des lapins sur son territoire. Par exemple au tout début de notre ère, le poète Catule (87 av. J.C. - 54 ap. J.C.) qualifiait l'Espagne de "cuniculeuse". L'étymologie 
du genre "Oryctolagus" Lilljeborg 1874 vient du grec oruktês 
= fouisseur et lagôs = lièvre. Par contre le nom d'espèce 
cuniculus est le nom latin du lapin, directement dérivé de 
l'Ibère et initialement transcrit en "ko(n)niklos" par le l'historien 
gréco-romain Polybe, environ 150 ans avant J.C..  | ||
| A la recherche des traces des premiers lapins | Les 
études de l'ADN mitochondrial des os de lapins issus des fouilles archéologiques 
et des tissus des lapins vivant actuellement ont permis de déterminer que 
deux lignées maternelles de l'espèce se sont séparées 
il y a environ 2 millions d'années. La lignée A est toujours présente 
mais exclusivement dans le Sud Ouest de l'Espagne et au sud du Portugal. Tous 
les autres lapins présents dans le Monde, sauvages ou domestiques, appartiennent 
à la lignée B. Jusqu'à l'époque romaine, la lignée 
B était elle aussi limitée dans son extension géographique: 
moitié Est de l'Espagne et Sud de la France exclusivement (Monnerot et 
al., 1996). Les différentes études du polymorphisme génétique 
de nombreuses enzymes, de l'ADN mitochondrial ou de celui des microsatellites 
montrent toutes que les lapins sauvages et domestiques actuels forment un ensemble 
unique, certes avec de très nombreux variants, mais sans séparation 
nette entre domestiques et sauvages (Zaragoza et al., 1987; Vachot, 1996). Autrement dit, les lapins domestiques sont bien les descendants des lapins sauvages, même si des "retours" à la nature de lapins domestiques ont été provoqués plus ou moins volontairement par l'homme au cours des siècles. | ||
| Passage de l'animal sauvage élevé en enclos au lapin domestique 
 Des moines gourmands | Les premiers écrits mentionnant l'élevage du lapin sont ceux de Varon (116-27 av. J.C.). Il préconise de garder les lapins dans des leporaria , parcs murés dans lesquels on conservait aussi des lièvres et autres gibiers afin d'en faciliter la chasse. Cet élevage d'animaux sauvages est à l'origine des garennes entretenues du Moyen Âge jusqu'à la fin du 18ème siècle. Mais il ne s'agit cependant pas encore de lapins domestiques. A 
cette même époque, les Romains ont adopté la coutume des Ibères 
consistant à consommer des "laurices", c'est à dire des 
lapereaux nouveaux-nés (ou des ftus).A la fin du 6ème siècle 
de notre ère, Grégoire de Tours mentionne le lapin dans son histoire 
des Francs, en reprochant aux moines de consommer des laurices en temps de Carême, 
ce mets étant autorisé parce que "d'origine aquatique" 
(sic!). On peut penser avec Zeuner (1963) que le souhait d'obtenir facilement 
des laurices aurait conduit les moines à imaginer de maintenir les lapines 
en cage pour accéder plus aisément aux nouveau-nés sans avoir 
à sacrifier les mères. Effectivement l'élevage des lapins 
en claustration devient l'apanage des couvents à cette époque. On 
trouve en effet des écrits attestant d'échanges de couples de lapins 
entre couvents au milieu du 12ème siècle.  | ||
| Les tous premiers développement du lapin domestique à la Renaissance en tant que "curisiosité" | En 
dehors des monastères, les lapins sont entretenus dans des garennes héritières 
des léporaria, à l'initiative de la noblesse détentrice 
du droit de chasse. Plusieurs ordonnances des rois de France doivent d'ailleurs 
réglementer le développement des garennes au 14ème et 15ème 
siècle, en raison des dégâts occasionnés par les lapins 
s'échappant de ces garennes. Au milieu du 15ème siècle, les 
lapins sont définitivement domestiqués. Ainsi au 16ème siècle 
Agricola mentionne l'existence lapins blancs, noirs, pies (noir et blanc par grandes 
taches), et gris cendré et de son côté Aldrovandi s'émerveille 
de voir à Vérone des lapins domestiques quatre fois plus gros que 
les lapins sauvages. | ||
| Un veritable élevage de production décrit par Olivier dse Serres au début du 17e siècle. 
 
 
 | Dans 
        son ouvrage de référence sur les techniques agricoles, Olivier 
        de Serres (1605) distingue trois sortes de lapins : les lapins sauvages 
        (les plus goûteux), les lapins de garenne (agréables au goût) 
        et les lapins de clapier (à la chair plus fade). Il convient toutefois 
        de souligner que les caractéristiques de ces 3 types de lapins 
        sont reliées par l'auteur à leur nourriture et à 
        l'exercice qu'ils pratiquent plutôt qu'à leur génétique. 
        Dans cet ouvrage, pas moins de 13 pages sont consacrées à 
        la construction et à la conduite des garennes et des clapiers. 
        Il y est par exemple conseillé de ne conserver qu'un mâle 
        adulte pour 20 à 30 femelles dans les garennes et de castrer les 
        jeunes mâles pour améliorer la qualité de leur viande. 
        Pour le reproduction les lapins élevés en clapier, il est 
        conseillé de porter la femelle dans la cage du mâle et il 
        est recommandé de pratiquer cet accouplement immédiatement 
        après la mise bas, de le surveiller, puis de ramener immédiatement 
        la lapine avec ses petits. Autrement dit, Olivier de Serres conseillait 
        il y a 400 ans déjà de faire faire les saillies "post 
        partum". | ||
| Le développement des races modernes | Au 
sein d'une espèce, une race est généralement considérée 
comme une collection d'individus ayant en commun un certain nombre de caractères 
morphologiques et physiologiques qu'ils perpétuent lorsqu'ils se reproduisent 
entre eux. Il existe différents types de races de lapins : a) 
les races primitives ou primaires, ou encore géographiques, à 
partir desquelles se sont différenciées toutes les autres. Elles 
sont directement issues des lapins sauvages. | ||
| Races 
lourdes | . Le poids adulte 
dépasse 5 kilogramme. La fécondité est généralement 
faible. Le fort potentiel de croissance des races lourdes est par contre de plus 
en plus souvent exploité dans les croisements commerciaux. Citons le Bélier 
Français, le Géant 
Blanc du Bouscat, le Géant 
Papillon Français, le Géant Espagnol et le plus grand 
de tous, le Géant 
des Flandres (7 à 8 kg). | ||
| Races moyennes | Le 
poids adulte varie de 3,5 à 4,5 kilogrammes. Les races moyennes sont à 
la base des populations ou souches ou races de lapins utilisées pour la 
production intensive de viande dans les conditions de l'Europe occidentale. Elles 
sont les plus nombreuses. Nous en donnons ci-après quelques exemples. L'Argenté de Champagne est un exemple, comme le Fauve de Bourgogne, d'une race sélectionnée depuis très longtemps à partir d'une population régionale (de la Champagne). Ce lapin est connu, outre pour les caractéristiques de sa fourrure autrefois appréciée, pour ses aptitudes de production: prolificité élevée, forte croissance, bon développement musculaire, et qualité de la viande appréciée. Il est élevé en France de façon fermière, exclusivement sur litière Le Fauve de Bourgogne est également une race française d'origine régionale (la Bourgogne), qui s'est largement répandue en France et dans d'autres pays européens (Italie, Belgique, Suisse). Le Californien est une race synthétique américaine présentée pour la première fois en 1928 en Californie par son obtenteur. Celui-ci a cherché à obtenir un lapin de chair avec une très bonne fourrure. Le poids adulte de cette race est de 3,6 à 4 kilogrammes. Le 
Néo-Zélandais 
Blanc est une race originaire des Etats-Unis. Il descend de lapins colorés 
dont il est l'albinos. Il a été sélectionné dès 
le départ, dans de grands élevages producteurs de viande de Californie 
sur des qualités zootechniques: prolificité, aptitudes maternelles 
des femelles, vitesse de croissance et précocité de développement 
corporel pour un abattage à l'âge de 56 jours, visant à produire 
une carcasse légère. Le poids adulte est de l'ordre de 4 kg, un 
peu supérieur à celui du Californien. Cette race s'est largement 
répandue en Europe occidentale et dans le monde, depuis 1960, avec l'adoption 
de l'élevage sur grillage. | ||
| Races légères. | Ce sont des races dont le poids adulte se situe entre 2,5 et 3 kg : Russe, Petit Chinchilla, Hollandais, Papillon anglais, etc.  Le lapin 
Russe est aussi appelé 
lapin Himalayan. Comme le lapin Californien, ce lapin blanc aux extrémités 
noires porte le gène himalayan ch, l'un des allèles du locus C (coloré) 
dont l'un des autres allèles "c" conduit à l'albinisme 
(lapins cc). 
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| Races petites ou naines. | Celles-ci ont des poids adultes de l'ordre de 1 kilogramme. Elles sont représentées 
principalement par le lapin Polonais, 
et les multiples nains de couleur. La sélection sur la petitesse de la 
taille a conduit dans ces races à une très faible prolificité. 
Elles sont utilisées principalement pour produire des lapins "de compagnie" 
ou "d'appartement" . | ||
| Utilisation des populations locales, races et souches |  Les lapins utilisés 
dans le monde pour la production commerciale de viande appartiennent parfois à 
une race mais le plus souvent à des populations d'animaux qui peuvent ressembler 
à telle ou telle race (mais ressembler seulement, sans répondre 
aux critères d'origine et de standards de la race), ou ne ressembler à 
aucune race. Il s'agit des lapins "communs", gris, tachetés ou 
blancs, issus de croisements divers non planifiés (élevage fermier), 
ou appartenant à des populations locales. Les pays du tiers monde peuvent 
disposer de populations locales, par exemple le lapin Baladi du Soudan ou d'Égypte 
(en arabe, Baladi signifie indigène ou local), le Maltais de Tunisie, le 
lapin Créole de Guadeloupe. La race la plus utilisé est sans conteste 
le Néo Zélandais Blanc, ou du moins des populations de lapins albinos 
fortement apparentées à cette race. | ||
| Il 
existe aussi des souches de lapins. Une souche est un troupeau génétiquement 
fermé, d'effectif limité, conduit sans introduction de l'extérieur 
depuis plusieurs générations. Une souche peut être sélectionnée 
ou non. Ces souches peuvent se trouver dans des laboratoires de recherche qui 
les entretiennent pour étudier leurs caractéristiques biologiques 
et zootechniques en vue d'obtenir leur meilleure utilisation en sélection. 
Différents sélectionneurs publics ou privés sélectionnent 
aussi des souches de lapins, à l'instar de ce qui se fait en sélection 
avicole depuis 1930. Les souches sont souvent génétiquement plus 
homogènes que les races | |||
| En Europe de l'Ouest, la très grande majorité des éleveurs de lapins ayant une activité commerciale utilise des croisements contrôlés entre souches spécialisées complémentaires. Une grande partie du travail des firmes de sélection cunicoles consiste en effet à choisir les critères de sélection de leurs différentes souches pour que leur complémentarité permette d'accroître les performances techniques et économiques de lapins exploités en croisement. Ce sont les "hybrides" commerciaux déjà mentionnés au début de ce chapitre. 
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| Biologie 
du Lapin - Fin du chapitre 1 " Taxonomie 
et Origine du Lapin" | |||