La Biologie du Lapin
par François LEBAS
Directeur de Recherches honoraire de l'INRA
                                                                                                                                  Les dernières modifications

9- L'œil et la vision chez le Lapin

       L'anatomie de l'œil
        Le champ de vision et l'acuité visuelle
       La vision des couleurs
       
  mis en ligne le 7 juin 2008    

 

 

1- L'anatomie de l'oeil
a
Figure 9-01 Coupe schématique d'un œil de mammifère et de lapin

b 

 

L'œil à proprement parler est constitué du globe oculaire (ou bulbe de l'œil) et du nerf optique. Il est entouré d'organes accessoires regroupant les muscles du bulbe, les fascias orbitaires, la tunique conjonctive et l’appareil lacrymal. L'œil est protégé de l'extérieur par une paupière supérieure et une paupière inférieure qui restent soudées entre elles jusqu'à l'âge de 9-10 jours. Une troisième paupière ou membrane nictitante, placée entre les 2 autres paupières et le globe oculaire peut aussi venir protéger environ 1/3 de la surface l'œil en se déplaçant d'avant en arrière (du nez vers l'oreille). Elle-même porte une glande lacrymale.

Le globe oculaire proprement dit est formé de trois tuniques qui enveloppent les milieux transparents de l'œil. Depuis l'extérieur on trouve d'abord une tunique fibreuse entourant l'œil, formée de la cornée transparente placée en avant (1/6 de la surface de l'œil) et la sclère (ou sclérotique) opaque de couleur blanche (5/6 de la surface), une tunique vasculaire se répartissant entre l'iris, les corps ciliaires et la choroïde, et enfin une tunique sensorielle: la rétine. L'humeur aqueuse, le cristallin et l'humeur vitrée constituent les milieux transparents internes à l'œil (voir la figure 9-01a pour un schéma général et 9-01b un schéma propre au lapin).

  Les lapins ont de gros yeux par rapport à leur taille corporelle  

Entre la naissance et l'âge de 8 semaines la longueur axiale de l'œil est multipliée par 2,3 (Barathi et al., 2002). Sa croissance n'est pas linéaire : une accélération de la croissance de la taille de l'œil est observée entre 1 et 7 jours puis entre 14 et 28 jours. A la naissance la sclère a une épaisseur de 70µm et une densité de 0,32 cellules (fibroblastes) par µm². A l'âge de 8 semaines, l'épaisseur de la sclère a plus que doublé (épaisseur de 155 µm) mais la densité cellulaire est fortement réduite (0,05 fibroblastes par µm²). Ensuite, les dimensions de l'œil tendent à se stabiliser. Ainsi la longueur axiale est 15,1 ± 0,5 mm chez le lapin Néo-Zélandais Blanc de 5 mois (Bozkhir et al., 1997). Il convient de remarquer que chez l'homme cette dimension n'est que de 25 mm environ. Cela veut dire que comparativement à l'homme, le lapin a de gros yeux. Si cette longueur est à peu près stable à long terme, elle s'accroît quotidiennement de 2% en période nocturne par rapport à la période diurne,

 

 

Figure 9-02 : Vue en microscopie électronique du noyau du cristallin de lapins adultes (1,5 ans) à faible (A) ou moyen gros-sissement (B) et de lapins âgés (4 ans) aux mêmes grossissements faible (C) et moyen (D). Il appa-raît clairement que le noyau embryonnaire est nettement plus désorganisé chez les lapins les plus âgés : comparaison des 2 images de droite B et D.
(D’après Al-khudari et al., 2007)
 

La cornée est presque ronde et a un diamètre moyen de 13,2 ± 0,30 mm. Elle a une épaisseur à peu près constante d'environ 0,4 mm, toutefois un peu plus fine dans l'axe de l'œil. Son rayon de courbure est de 7,26 ± 0,26 mm.

Le cristallin a la forme d'un ellipsoïde de 11-12 mm par 7,5 mm et d'une épaisseur d'environ 6,5 à 7 mm au centre. Sa face interne est située en moyenne à 5,5-5,8 mm en avant de la rétine sur laquelle se forment les images. Contrairement aux autres parties de l'œil, la taille du cristallin s'accroît durant toute la vie de l'animal, comme c'est d'ailleurs le cas chez tous les vertébrés. Ainsi entre les âges de 1,5 et 4 ans, le grand axe du cristallin s'accroît de 6,1% et le petit axe de 5,7% (Al-khudari et al., 2007). Cet accroissement se fait par adjonction régulière de fibres cristallines transparentes supplémentaires. Mais dans le même temps, la structure cristalline interne tend à se désorganiser, en particulier dans sa partie centrale, le noyau embryonnaire (figure 9-02). Cela se traduit par une opacification du cristallin qui souvent se combine avec une oxydation des fibres et ainsi les lapins âgés tendent ainsi à souffrir de cataracte tout comme l'homme. Lors de l'accommodation, le cristallin se déforme très peu sous l'action des muscles fixés sur les corps ciliés. Par contre en complément, il se déplace légèrement d'avant en arrière ce qui permet de replacer l'image juste sur la rétine.

L'iris laisse en son centre un orifice , la pupille dont la variation de taille permet en principe la modulation de la lumière entrant dans l'œil. Certains auteurs affirment que la pupille de l'œil du lapin ne pourrait pas changer de taille pour s'adapter à l'intensité lumineuse, mais cela ne correspond pas à nos observations. La pupille semble pouvoir atteindre un diamètre d'environ 10-11 mm (les 4/5 de la surface externe de l'œil) dans la pénombre et se réduire à seulement 3-4 mm en pleine lumière ( voir la figure 9-03 ci-contre).
Chez les lapins colorés, l'iris est le plus souvent marron. Chez les lapins blancs il peut être bleu, ou dénué de couleur propre chez les albinos. Il apparaît alors rosé, de la couleur du sang qui l'irrigue et la pupille est un trou noir au centre qui apparaît rouge plus foncé quand on l'éclaire fortement (les fameux yeux rouges constatés lors d'une photo avec flash - ce rouge est celui de la rétine au fond de l'œil)

Figure 9-03 : La pupille est plus ou moins dilatée en fonction de la luminosité ambiante : forte à gauche et faible à droite)

 

 

 

2 - Le champ de vision et l'acuité visuelle


Figure 9-04 : Schéma du champ de vision chez le lapin

 

Les auteurs qui ont étudié directement le champ visuel des lapins s'accordent généralement pour dire que le champ de chaque œil est de 192°, c'est à dire plus d'un demi cercle. Certain donnent même un champ qui pourrait atteindre 240°. Au repos, le Lapin a une vision binoculaire couvrant 24° devant lui, 30° au dessus de la tête et un champ total de vision s'étendant sur 360° autour de la tête (Hughes et Vaney, 1982). En modifiant la position des yeux dans les orbites, en cas d'alerte en particulier, le lapin peut accroître sa vision binoculaire à 30° vers l'avant et obtenir une vision binoculaire de l'ordre de 8-10° vers l'arrière (Maruta et al., 2006). En fait, la seule gène au champ de vision ce sont les oreilles, surtout chez les lapins "Bélier". Toutefois, compte tenu de la position des yeux, il y a aussi un angle mort d'une dizaine de cm devant le nez le lapin (figure 9-04). Dans cet espace rapproché, le lapin se sert de ses longues vibrisses pour déterminer la position de ce qui est devant lui (nourriture, paroi, congénère,...).

Quand le lapin est tranquille, chaque œil "travaille" indépendamment de l'autre et fournit donc au cerveau de l'animal deux images correspondant l'une à l'espace situé à droite et l'autre à celui situé à gauche de sa tête. En cas d'alerte seulement, il cherche à avoir une image binoculaire lui donnant la possibilité d'évaluer la profondeur de champ et la distance à laquelle se trouve l'image l'ayant inquiété qu'elle soit devant, derrière ou au-dessus de lui. Compte tenu d'une relativement faible densité des cellules sensibles à la lumière sur la rétine, l'image créé reste de toutes manières floue. En fait lapin est plus sensible au mouvement des choses qu'à leur forme : un objet parfaitement immobile n'est en principe pas dangereux, alors qu'un "objet" en mouvement est en principe inquiétant. Il est donc plus important de savoir si "ça bouge" que de savoir avec précision ce que c'est.

Tandis que chez l'homme par exemple, il existe une zone de très forte densité des cellules sensibles à la lumière (et aux couleurs) couvrant seulement 1,5° du champ de vision (la zone qui vous permet de lire ce texte), chez le lapin, la zone équivalente ayant une plus forte densité de cellules sensibles, a beaucoup moins de cellules par mm² que chez l'homme, mais couvre sur la rétine un cercle correspondant à 30° du champ visuel. On peu donc dire que le lapin a une vision parfaitement panoramique, mais que celle-ci n'est pas très précise.

 

 

3 - La vision des couleurs


Figure 9-05 : Schéma des cellules de la rétine


Figure 9-06 : Représentation approximative du spectre de l'absorption des cônes de l'œil du lapin.

 

Chez le lapin comme chez les autres espèces, la rétine est couverte de cellules sensibles à la lumière. Certaines cellules sont en forme de bâtonnet et d'autre en forme de cône . Ces différentes cellules sont interconnectées de manière complexe (figure 9-05) et c'est un influx nerveux déjà en partie "synthétisé" qui est envoyé au cerveau par le nerf optique pour "analyse" et prise de décision.
Les bâtonnets grâce à la présence de rhodopsines, sont sensibles à une lumière de faible intensité mais leur courbe d'absorbance est maximale pour une seule longueur d'onde, en l'occurrence le vert. Les bâtonnets donnent donc une bonne vision dans le pénombre mais c'est une vision monochromatique en vert et noir. On estime que le lapin a besoin de 6 à 7 fois moins de lumière que l'homme pour "commencer à y voir quelque chose" dans la pénombre, en raison d'un beaucoup plus grand nombre de cellules en bâtonnet par mm² sur sa rétine. Mais comme tous les animaux, homme compris, il ne voit rien dans l'obscurité absolue. Lorsque l'intensité lumineuse augmente (lumière du plein jour), tous les bâtonnets sont saturés. Ils n'envoient plus de signal au cerveau et ce sont les cellules en cône qui prennent le relais de l'information lumineuse reçue par l'œil.

Dans ces cellules en cône, les molécules sensibles, les opsines, sont de différents types et réagissent en fonction de la longueur d'onde de la lumière reçue. Il y a plusieurs sensibilités en raison de la modification de quelques acides aminés sur la molécule d'opsine. Chez le lapin, deux types de molécules d'opsine sont présents dans les cônes. Ces molécules ont une absorption maximale de la lumière pour 2 longueurs d'onde correspondant pour l'une au bleu (465 µm) et pour l'autre au vert clair (509 µm) (figure 9-06). Le maximum d'absorption de l'opsine pour le vert dans les cônes se fait d'ailleurs pour la même longueur d'onde que celui des rodopsines des bâtonnets (Claldwell et Daw, 1978). Avoir une absorption maximale pour une longueur d'onde, cela ne veut pas dire que les autres couleurs ne sont pas vue, mais l'information transmise au cerveau est de moins grande intensité pour les autres couleurs. A l'extrême, un objet rouge foncé n'est pas vu par le lapin et son observation est à la limite de la perception si l'objet est rouge-orangé, à moins qu'il soit sur un fond par exemple vert, jaune ou bleu. Dans ce cas, il est vu en noir sur fond coloré.

 

      Pour en savoir plus : Quelques une des références bibliographiques utilisées
     
     
Biologie du Lapin - Fin du chapitre 9 " L'œil et la vision chez le lapin"
     
     
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