CUNICULTURE
Magazine Volume 31 (année 2004) pages 30 à 47

Le 8ème Congrès Mondial de Cuniculture
(Puebla - Mexique - Septembre 2004)
Analyse et première synthèse des travaux

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par Thierry GIDENNE1 et François LEBAS2
 
 

1 Station de Recherches Cunicoles INRA , 31326 Castanet Tolosan
2 Cuniculture, 31450 Corronsac

 
   
 

Cette présentation est essentiellement constituée par le texte de l'exposé fait sur ce sujet par T. Gidenne lors de la Journée Nationale Lapin de Chair organisée par l'ITAVI le 30 novembre 2004 à Pacé (Ille et Vilaine), texte ensuite complété par F. Lebas, en particulier par l'introduction du résumé en français des 13 communications invitées.

 

 
 

 

 
 

Introduction


Le hall d'accès aux salles de conférence


La tribune d'honneur lors de la séance inaugurale


Le lapin du calendrier aztèque, emblème de la fécondité, ... et du Congrès

 Le 8ème Congrès Mondial de Cuniculture organisé par la World Rabbit Science Association (WRSA) s'est tenu du 8 au 10 septembre 2004 au Mexique dans la ville de Puebla, à 150 km de Mexico. Le texte de l'ensemble des communications présentées est disponible gratuitement sur le site Web de la WRSA à l'adresse suivante : http://www.dcam.upv.es/8wrc/. Il nous semble toutefois important de rappeler que toutes ces communications sont rédigées en anglais, la langue officielle de l'association internationale. Ces textes sont aussi disponibles sur un CR-Rom qui contient aussi tous les articles publiés fin 2003 dans les revues scientifiques spécialisées dans le domaine du lapin, aujourd'hui arrêtées (Journal of Applied Rabbit Research et Cuni-Sciences) ou toujours actives (World Rabbit Science). Rappelons que le texte des communications présentées lors des 7 précédents congrès mondiaux avaient été réunis en 2000 sur un autre CD-Rom toujours disponible.

L'objectif du présent article est de réaliser un bilan général quantitatif et qualitatif (du point de vue des disciplines) de ce congrès, en détaillant d'abord le contenu des conférences invitées puis celui des tables rondes et enfin celui des communications courtes. Nous n'aborderons donc pas le contenu détaillé de chaque section (résultats marquants, applications potentielles, etc.). Cette analyse sera faite lors de la classique journée "Le 8e Congrès mondial - Ombres & Lumières" qui sera organisée par l'Association Scientifique Française de Cuniculture (la Branche française de la WRSA) le 10 mars 2005 dans les locaux de l'École vétérinaire de Nantes (les détails d'organisation seront mis à disposition sur ce site dès qu'ils seront disponibles)

On peut considérer que l'organisation générale du congrès a été bonne, et comparable à celle des précédents congrès. On peut toutefois exprimer quelques regrets, concernant par exemple le fait que les textes complets des communications étaient disponible seulement sous format électronique (CD-Rom). Seuls les résumés des communications avaient été imprimés dans un recueil (sans index des auteurs) pouvant être utilisé pendant les séances de travail. On peut aussi observer que le choix des communications présentées oralement n'était pas toujours judicieux. Enfin, on peut aussi remarquer qu'une animation scientifique autour des posters (certes délicate à organiser, mais cela avait été réalisé lors du congrès de 1996 à Toulouse) aurait permis à chaque auteur de présenter rapidement son travail, ce qui n'a pas été le cas.

  

Conférences invitées (rapports de synthèse)
Tableau 1 :Liste des conférences invitées

Un total de 13 conférences magistrales a été présenté dans les diverses disciplines, soit un nombre similaire à celui des 2 précédents congrès (Toulouse en 1996, Valence en 2004). Elles ont été présentées devant l'ensemble des congressistes. Le nombre de conférences invitées constitue un indice d'impact scientifique d'un pays. Ainsi, la France arrive au premier rang, avec 4 conférences invitées (2 avaient été demandées à des Espagnols et 2 à des Italiens). La liste des conférences invitées figure au tableau 1 avec un renvoi possible vers le résumé du contenu de chacune (résumé traduit en français) et avec sa référence exacte.

 

Animation de tables rondes

Tableau 2 : Liste des tables rondes

L'invitation à animer une table ronde constitue un autre indice d'impact scientifique d'un pays, sachant qu'en général les animateurs ont présenté un court rapport introductif aux discussions. Ainsi, sur les 6 tables rondes qui se sont effectivement tenues, (tableau 2) deux ont été animées ou co-animées par des chercheurs français.

Communications courtes

Aspects quantitatifs globaux

Au plan quantitatif, 216 communications courtes ont été écrites et sont disponibles, mais le nombre de communications présentées oralement ou en poster (affiches) a été inférieur. Par exemple, aucun délégué Chinois n'était présent, et ainsi aucune des 19 communications écrites de ce pays n'a été présentée et par voie de conséquence aucune n'a pu être discutée.

A titre de comparaison, en 1996 et en 2000 le nombre de communications courtes était similaire (217 à Toulouse et 211 à Valence) et plus faible en 1992 (n=182 à Corvallis).
Quarante neuf communications ont été présentées oralement (en deux sessions simultanées chaque fois), le reste l'a été sous forme de poster (une session quotidienne par discipline).
Au plan quantitatif, on peut donc juger que ce congrès a connu un succès similaire aux 2 précédents. Il semble en être de même du point de vue du nombre de participants (entre 450 et 500 personnes, dont 45 français, chiffres non officiels).

 

Impact scientifique de chaque nation.


Figure 1 : Nombre de communications par pays (pays en ayant présenté au moins 2)

Du point de vue des communications courtes, au total 31 nations ont été représentées (au moins un auteur de chacun des pays),.
Pour juger de l'impact des différentes nations présentes à ce congrès, nous avons effectué un décompte du pays d'origine des équipes présentant chaque communication courte, en prenant en compte le pays d'origine de l'auteur principal et des co-auteurs éventuels. Par exemple, si une communication était signée par 2 espagnols et un français, le nombre de communication a été augmenté de 1 pour chacun des 2 pays.

L'Italie et l'Espagne viennent au premier et deuxième rang avec 35 et 34 communications courtes respectivement, devant la France et la Hongrie qui en ont présenté respectivement 31 (14% du total) et 27 (figure 1). Il faut souligner l'effort de participation du Mexique, qui en tant que pays organisateur, a présenté un total de 23 communications.

 


Figure 2 : Répartition des pays en fonction du nombre de communications courtes présentées et identification des collaborations entre pays

La proportion de communications courtes signées par au moins 2 nations différentes est modeste et ne représente que de 12% de l'ensemble (25/216, cf. tableau 3). L'analyse des pays qui ont collaboré entre eux (figure 2) montre que la France vient en tête avec 6 papiers co-signés avec un autre pays devant le Hongrie qui en a co-signé 5. Il nous semble aussi important de souligner que ni le Mexique (23 communications), ni la Chine (19 communications), ni le Brésil (11 communications) n'ont co-signé de communication avec une équipe d'un autre pays. Enfin, quelques pays semblent ne figurer dans cette liste de pays que parce qu'une équipe d'un autre pays est venue solliciter un équipe de ce pays. C'est par exemple le cas de l'Australie (avec la France), du Royaume Uni et de la Suisse (avec le Portugal) ou de l'Ukraine (avec la Tchéquie).

 

Impact des différentes disciplines


Tableau 3 : Répartition des communications par disciplines

Pour juger de l'impact des différentes disciplines présentées à ce congrès, nous avons effectué un décompte des communications courtes en réaffectant d'assez nombreuses communications d'après leur contenu, et non pas en reprenant les décomptes de l'index du recueil des résumés (tableau 3). Ce décompte "corrigé" est néanmoins imparfait, puisqu'il est difficile de "classer" un travail qui traite d'interactions entre 2 disciplines: par exemple nutrition et pathologie.
Pour mémoire, lors des 2 précédents congrès l'équilibre entre les différentes disciplines était proche de celui observé lors de celui-ci (valeurs en italique dans le tableau 3). On peut néanmoins remarquer un intérêt croissant pour la pathologie, et pour les études d'éthologie.

L'impact quantitatif des différents pays est très variables selon les disciplines. Ainsi, la Chine domine nettement les études sur la production de fourrure et de poil Angora (n=8 sur 9). L'Espagne et la France restent leader dans le domaine de la génétique (respectivement 9 et 8 communications), tandis qu'en nutrition c'est l'Espagne qui tient le premier rang (n=12 comm. vs 6 pour la France). Les études en pathologie et en qualité de la viande sont dominées par les équipes Italiennes (n=13 et 7 comm. respectivement). Enfin, les études de reproduction et de physiologie de la reproduction sont également dominées à parts égales par la Hongrie, l'Italie et la France.

 

Les principaux thèmes traités dans les différentes disciplines

Comme par le passé, l'originalité et la qualité scientifique des travaux sont très variables. Pour chaque section disciplinaire, nous nous intéresserons succinctement aux principaux thèmes traités, ou marquants par leur apport de connaissances originales.

 

Génétique et Biotechnologie

De nouvelles connaissances ont été apportées sur le génome du lapin et l'impact de certains gênes. On notera en particulier la présentation des premiers résultats sur la carte génétique du lapin (Chantry-Darmon et al., INRA Jouy et Toulouse). Deux travaux ont porté sur les interactions entre pathologie et génétique (dont une sur l'EEL: INRA Toulouse+Tours). Mais, l'essentiel des travaux en génétique a concerné d'une part, les performances de reproduction (9 études: longévité, fertilité, production laitière, capacité utérine, ovulation….) et d'autre part, l'étude de la croissance et de la qualité de la viande (7 études).

 

Reproduction et Physiologie de la reproduction

L'étude des effets de différentes technique d'élevage sur les performances de reproduction des femelles a constitué la majorité des communications de cette section (photopériode, types de cages, double allaitement, tonte), avec une attention "spéciale " pour les effets du rationnement (3 études).
L'autre partie importante de cette discipline concernait la production spermatique, en liaison avec les apports alimentaires (3 papiers), le génotype, ou les techniques de conservation du sperme (3 papiers). Enfin, le prix de la meilleure communication en reproduction a été attribué à un travail sure les sources de variation de la production laitières dans une population algérienne de lapins (N. Zerrouki et al., Algérie)

 

Pathologie et Hygiène
 

On peut regretter que l'étude de l'EEL n'ait fait l'objet que de 3 communications (2 venat de France par Licois et Coudert, une d'Italie). En revanche, une part majoritaire des travaux a concerné l'étude de la colibacillose (7 papiers) : la vaccination avec des souches atténuées (4 études), les caractéristiques de pathogénicité et les effets sur la muqueuse digestive.
La pathologie de la reproductrice est toujours un sujet d'actualité (6 études: Pasteurelles, …), ainsi que les travaux d'épidémiologie générale ou visant un agent pathogène spécifique (VHD, myxomatose, …).

 

Nutrition et Alimentation
 

Une approche originale de la maîtrise de la santé digestive du lapereau, via une technique d'alimentation, a fait l'objet de 3 études Française: cela concerne l'impact du rationnement par l'eau de boisson sur la croissance et l'état sanitaire du lapereau sevré.
Le prix de la meilleure communication en nutrition a été décerné à une équipe de l'université de Saragosse (Belenguer et al.), pour un travail original sur l'estimation de l'importance quantitative de la caecotrophie et du recyclage de protéines bactériennes. Au plan des nouvelles méthodes d'études, on doit aussi signaler 2 travaux qui portent sur la mesure de la digestion chez le lapereau (thème émergent ?).
Comme par le passé, les études de la valeurs nutritives d'ingrédients alimentaires (n=9 études), et d'impact de différents additifs (n=11, prébiotiques, probiotiques, etc..) ont constitué une part majeure de cette section. On peut aussi signaler une thématique émergente, concernant l'étude des stratégies d'alimentation en relation avec le rythme de reproduction ou l'âge au sevrage (5 communications).
L'impact de la nutrition sur la composition du lait a été un thème traité par 4 auteurs, tandis que les recherches sur les besoins nutritionnels ont été restreintes principalement à l'étude des effets des fibres alimentaires (5 papiers).

 

Physiologie générale et digestive
 

L'une des thématiques émergentes en physiologie digestive est l'étude de l'écosystème caecal (4 études Espagnoles). L'emploi de récentes méthodes en microbiologie moléculaire permet ainsi une nouvelle approche prometteuse pour caractériser la flore caecale en relation avec divers facteurs, tel que les conditions pathologiques ou alimentaires.
D'autre part, un intérêt particulier a été porté sur la morphologie de la muqueuse digestive (3 études). Ainsi, le prix de la meilleure communication en physiologie a été décerné pour un travail sur la morphologie et la maturation de la muqueuse chez le lapereau, à l'aide d'une nouvelle méthode par micro-dissection (M. Gallois et al., INRA Toulouse).

 

Technique élevage et économie
 

Nous avons choisi de retenir dans cette section les recherches liées à la cuniculture rationnelle. Ainsi les travaux traitant d'économie de la production de viande, ou portant sur la mise au point de nouvelles techniques d'élevage (allaitement, éclairage) sont en nombre limités (n=7), et émanant surtout d'équipes Hongroises (4 comm.). Retenons que les effets d'un engraissement en 2 phases (avec variation de la densité) a été évalué chez des lapereaux sevrés précocement (21jours), alors qu'un autre travail de la même équipe (Université de Kaposvar) a porté sur l'interaction entre cette méthode et la technique d'allaitement par 2 mères. Les effets d'un double allaitement ont également été abordés par une équipe Mexicaine. Signalons par ailleurs, 2 études descriptive de l'économie du marché de la viande de lapin dans la ville de Mexico.

 

Elevage en zone tropicale et systèmes alternatifs (session dite "FAO")
 

Les 12 communications que nous avons retenues dans cette section concernent pour l'essentiel la description de la production cunicole dans divers pays tropicaux et/ou en voie de développement. Les systèmes cunicoles décrits sont en général peu intensifs et sont souvent développés à l'échelle familiale. L'essentiel de ces contributions provient du Mexique, mais il faut aussi signaler des recherches provenant d'autres nations, telles que Cuba, Algérie, Maroc, Argentine, Bénin et Inde.

 

Croissance et qualité de la viande
 

Les interactions entre des facteurs génétiques et la qualité de la viande a été le principal thème d'étude traité dans cette section (n=8 sur 18 au total). L'impact du rationnement a été abordé par 2 équipes, d'une part sur la qualité de la viande, et d'autre part sur la croissance des lapereaux lors d'un rationnement de la mère.
Il faut noter des recherches (Mc Nitt, USA) sur la simplification d'une méthode de mesure de la quantité et de la qualité des restes osseux dans la viande séparée mécaniquement, critère important dans les cas de valorisation des restes de carcasse après découpe ou après séparation mécanisée de la totalité de la viande d'une carcasse (donnant une "pâte" de viande de lapin). Enfin, une méthode originale de la traçabilité des animaux et de la carcasse a été présentée: Elle fait appel à une procédure "in vivo ", d'injection intra-péritonéal d'un transpondeur (bio-verre encapsulé).

 

Ethologie et Bien-être
 

Deux types de recherches ont été présentés dans cette section:
- d'une part, 10 études qui portent sur les effets de différents systèmes de logement, que ce soit chez le lapin en croissance ou chez la femelle reproductrice (taille de cage, élevage en groupe, enrichissement du milieu, type de plancher).
- d'autre part, 3 études plus descriptive du comportement: chez le mâle, la femelle ou sur les relations mère-jeunes.
Soulignons que 5 études sur les 13 proviennent d'équipes d'Europe du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Belgique) et 4 études proviennent d'Italie.

 

Production de fourrure et de poil Angora
 

Cette section a fait l'objet de 9 communications courtes, dont 8 chinoises, et une française (D. Allain, INRA Toulouse). Seule 2 études ont porté sur la production de poil Angora, tandis que les 7 autres ont porté sur divers aspects de la production de fourrure de type Rex (nutrition, génotype, …).

 

Conclusions

 

 

Les prochains
Rendez-vous

Nantes 10 mars 2005
«Le 8e Congrès Mondial, Ombres & Lumières»
Organisation par l'ASFC

 

Vérone (Italie) Juin 2008
«9e Congrès Mondial de Cuniculture»
Organisation par la WRSA

 Globalement, le 8ème congrès mondial de cuniculture (Puebla) a été comparable aux 2 précédents congrès, tant du point de vue de la masse totale d'information présentée (216 comm. courtes + 13 conférences), que de la qualité scientifique des résultats.
L'ensemble des participants a exprimé sa satisfaction, quant à la qualité de l'organisation et à l'excellent accueil général.
La place des recherches cunicoles Française demeure donc aux tous premiers rangs mondiaux, tant au point de vue du nombre de communications courtes que celui des conférences invitées, ou du point de vue de l'animation des tables rondes. Néanmoins, cette recherche cunicole Française semble en régression (surtout dans les sections nutrition et pathologie), si l'on se réfère à la proportion de travaux présentés par des Français lors des 3 derniers congrès: 14% en 2004 (n=31/216), 20% en 2000 (42/211), et 17% en 1996 (n=37/217). Espérons que cette baisse de notre effort de recherche n'est que conjoncturelle, et liée en 2004 au lieu "éloigné" du congrès (pour mémoire, en 1992, au congrès de Corvallis la proportion de communications courtes Française était de seulement 11,5%, n=21/182). Sachant que le prochain congrès aura lieu en Italie - à Vérone, en 2008 - nous pourrons vérifier cette hypothèse.

Ce rapide bilan du congrès de Puebla doit maintenant être approfondi, pour chaque discipline, en détaillant les résultats marquants, ainsi que ceux potentiellement utilisables par les professionnels de la cuniculture. Comme déjà mentionné en introduction, ce bilan détaillé fera l'objet d'une journée d'animation organisée par l'Association Scientifique Française de Cuniculture (ASFC) la branche française de la WRSA, le 10 mars 2005 à Nantes.

 

 
 
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