5 février 2009 - Journée d'étude ASFC « Vérone - Ombres & Lumières »

Reproduction et physiologie de la reproduction
au 9ème congres mondial de cuniculture

par
Michèle THEAU-CLÉMENT* et Fabien COISNE**

* INRA. Station d'Amélioration Génétique des Animaux, BP 52627, 31326 Castanet-Tolosan
** Hycole, BP 15, 59159 Marcoing

Introduction

 

Michèle Theau-Clément et Fabien Coisne lors de leur présentation

 
La session de reproduction et physiologie de la reproduction du 9ème Congrès Mondial de Cuniculture, présidée par C. Boiti (Université Vétérinaire de Perugia, Italie), puis par M. Theau-Clément (Centre INRA de Toulouse), a permis de faire le point sur les connaissances acquises ces dernières années sur la maîtrise de la reproduction chez le lapin. Une synthèse a d'abord été présentée par C. Castellini (Université de Perugia, Italie) sur les facteurs qui influencent la production de semence. Au total 36 communications (+38% par rapport au dernier congrès mondial de Puebla, Mexique) ont été présentées, concernant la maîtrise de la reproduction de la lapine (20 communications), la production spermatique (4 communications), les biotechnologies de la reproduction (5 communications) et de nouvelles méthodes et outils de mesure (7 communications). Par rapport au congrès de Puebla, cette session sur la reproduction a été très nettement marquée par un engouement pour les études visant une meilleure maîtrise de la reproduction de la lapine dans les élevages (56 %).
Cette synthèse ne comprend pas les travaux de Bouvier et Jacquinet qui ont été présentés aux dernières Journées de la Recherche Cunicole, ni ceux de Odeyinka qui s'appliquent aux conditions tropicales.

 

Maîtrise de la reproduction de la lapine
1 - Mécanismes physiologiques contrôlant la reproduction chez la lapine
 

1.1. Syndrome de l'hyperprogestéronémie.
L'ovaire d'une lapine non stimulée ne doit pas présenter de corps jaunes et dans le plasma circulant, la concentration de progestérone reste au niveau basal. Cependant, des travaux antérieurs ont mis en évidence, au moment de l'insémination des lapines, des niveaux de progestérone plasmatique anormalement élevés et sur les ovaires, la présence de corps jaunes actifs, on parle de pseudogestation. Boiti et al. (Italie) ont réalisé des injections de GnRH à différents stades de pseudogestation. Les conséquences diffèrent en fonction du stade. On retiendra que sur des lapines pseudogestantes, une injection de GnRH entraîne la régression fonctionnelle des corps jaunes quand ils ont acquis la capacité d'être lysés à J9, et l'ovulation pouvant expliquer le taux élevé de progestérone plasmatique, expliqué par l'existence simultanée de 2 populations de corps jaunes actifs.

Par ailleurs, Theau-Clément et al. ont quantifié la fréquence de ce syndrome, au moment de l'insémination sur 819 lapines primipares et secondipares, sans aucune préparation préalable à l'insémination (ni hormone, ni biostimulation). Plus de 20% des lapines ont des niveaux de progestérone (P4) supérieurs au niveau basal (1ng/ml) au moment de l'insémination artificielle (IA), elles sont alors considérées pseudogestantes. Globalement, un niveau croissant de progestérone plasmatique déprime la réceptivité, la fertilité et en conséquence la productivité (9,5, 8,6 et 4,5 nés vivants/IA, respectivement pour P4<1, 1 P4<6 et P4 6 ng/ml). Cependant, la fréquence de ce syndrome dépend de l'état physiologique ; ainsi les lapines primipares et allaitantes sont très susceptibles (36,5%). Par ailleurs, cette étude démontre la réversibilité de ce phénomène puisqu'au moment de l'IA suivante, 78% des lapines pseudogestantes retrouvent le niveau de progestérone de base.

Si les conséquences de l'induction de l'ovulation sont aujourd'hui mieux connues aux niveaux physiologiques et zootechniques, les causes de ce syndrome restent mystérieuses, les lapines n'ayant pas été stimulées depuis la dernière insémination 42 jours avant. Il est vraisemblable que sur des lapines ayant des niveaux de progestérone plasmatique élevés, toutes les méthodes d'induction de l'œstrus soient totalement inefficaces.

 

   

1.2. Les hormones gonadotropes.
Marongui et al (Italie) ont administré du Naloxone (antagoniste des opiacées endogènes) à 30 lapines allaitantes. Des prélèvements de sang toutes les 15 minutes pendant 4 heures, ont permis de doser la sécrétion de LH par rapport à un lot de lapines témoin (injections de sérum physiologique). Quelle que soit la dose injectée (0,5 ou 1,0 mg/kg), un pic de LH apparaît après l'administration de Naloxone. En conséquence, chez la lapine allaitante, la diminution de sécrétion de LH pourrait être associée à l'activité des opiacées endogènes, qui moduleraient la sécrétion hypothalamique de GnRH et inhiberaient la sécrétion de LH.
Muelas et al (Espagne) ont étudié les relations entre la concentration en LH, FSH et PRL 48 heures avant, 2 heures et 48 heures après la saillie, sur les composantes de la taille de portée de 60 lapines primipares allaitantes ou non, mais réceptives. Les sécrétions de LH et FSH sont associées à une meilleure intensité d'ovulation ainsi qu'à une taille de portée plus élevée. De manière surprenante, la concentration de PRL connue pour son effet antagoniste aux hormones gonadotropes, influencerait positivement l'intensité d'ovulation. Par rapport à l'expérience précédente de Marongui et al, on pourrait s'étonner de l'absence de différences de sécrétion de LH selon que les lapines sont allaitantes ou non, mais toutes étaient réceptives.
Ces travaux permettent de préciser le rôle des hormones gonadotropes sécrétées par l'hypophyse et leurs interactions avec l'hypothalamus en fonction de l'état physiologique des lapines.

 

2 - Systèmes de conduite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

les différentes programmes alimentataires étudiés pour les lapines futures reproductrices varient beaucoup dans leurs modalités et leur durée, selon les expérimentateurs.

  2.1. Préparation de la future reproductrice.
Ces travaux consistent à évaluer l'effet de programmes alimentaires pendant l'engraissement parfois en liaison avec l'âge à la 1ère IA, sur les performances ultérieures des reproductrices.

Matics et al (Hongrie) ont mesuré les effets d'une restriction alimentaire (à l'âge de 10 semaines jusqu'à une semaine avant l'IA) associée à une première insémination plus tardive. Ainsi un groupe de lapines de formats différents (222 Pannon White et 197 de format adulte plus lourd) ont été nourries ad libitum (10,6 MJ ED/kg) et inséminées à l'âge de 15,5 semaines, alors qu'un deuxième lot de taille comparable, a subi une restriction alimentaire (130g/jour) et une première insémination à l'âge de 19,5 semaines. Elles étaient inséminées tous les 56 jours, les lapereaux étaient sevrés à 23 jours. Il est conclu qu'une restriction alimentaire associée à une insémination à 19,5 semaines améliore la fertilité à la 1ère IA quel que soit le type génétique, et en conséquence la productivité (Pannon White : 7.5 vs 7.2, souche lourde : 7.2 vs 6.9 nés vivants / IA). Cependant, cette expérience ne permet pas de dissocier l'effet du régime alimentaire de celui de l'âge à la 1ère IA. Il faut souligner la fertilité élevée de ce troupeau (entre 80 et 90%), vraisemblablement liée à l'insémination tardive des lapines (J25 post partum), 2 jours après sevrage.

Rebollar et al (Espagne) ont comparé différents régimes alimentaires sur les performances de reproduction. Trente six lapines âgées de 11 semaines ont été réparties en 3 lots : nourries ad libitum avec un aliment commercial (38% Neutral Detergent Fiber, NDF, témoin), ad libitum avec un aliment enrichi en fibres (50% NDF) ou restreint (150g/jour d'aliment commercial). Pour ce dernier groupe, les lapines sont nourries ad libitum une semaine avant l'insémination. La 1ère IA est réalisée à l'âge de 16 semaines pour le 1er lot et 17 semaines pour les 2 autres lots. Après la 1ère mise bas, tous les animaux sont nourris ad libitum avec l'aliment commercial. Il est conclu qu'une alimentation restreinte pendant l'engraissement retarde la puberté (19.2 vs 16 semaines) et diminue la fertilité à la première IA (-28% par rapport au témoin). Une alimentation riche en fibres et ad libitum pendant l'engraissement, permet de réguler la mobilisation des réserves corporelles, aidant ainsi la lapine à mieux préparer son deuxième cycle de reproduction (fertilité : +20% par rapport au témoin).

Rizzi et al (Italie) ont soumis 140 lapines de 15 semaines à 3 régimes alimentaires : lot témoin (ad libitum, aliment commercial, 19% fibres), lot restreint (80% de l'alimentation ad libitum), lot fibres (ad libitum, 25% fibres). Ces régimes ont été appliqués pendant 8 semaines (jusqu'à une semaine avant la 1ère mise bas), les femelles étaient ensuite nourries ad libitum. Les résultats indiquent, qu'une restriction alimentaire sur des lapines pubères appliquée jusqu'à une semaine avant la 1ère mise bas, affecte leur croissance (11.8 vs 14.9 g/jour au cours des 8 semaines par rapport au témoin). Les performances de reproduction des lapines recevant ad libitum une alimentation enrichie en fibres sont déprimées (fertilité et taille de portée) au premier cycle de reproduction (saillie naturelle), aucune différence n'est mise en évidence au cours du 2ème cycle de reproduction.

Arias-Alvarez et al (Espagne) ont étudié l'influence directe de la nutrition sur la physiologie ovarienne, en particulier la maturation ovocytaire. Deux stratégies alimentaires ont été appliquées à 40 nullipares pendant la phase d'engraissement (de 11 à 16 semaines) : une alimentation enrichie en fibres et en particulier en lignine (ad libitum, 50% NDF, et lignine 16% de matière sèche) vs une alimentation standard (ad libitum, 41% NDF et lignine 5% de matière sèche). Dix lapines par lot ont été euthanasiées : 5 jours avant et 5 jours après IA. Le niveau de leptine sérique est plus élevé chez les lapines du lot témoin (5,5 vs 4,5 ng/ml), alors que ni le poids des lapines et des ovaires, ni le nombre de follicules de diamètre supérieur à 1mm, ni l'intensité d'ovulation, ni la fertilité ne varient significativement entre les 2 lots. Les auteurs concluent que malgré l'augmentation du niveau de leptine sérique, un aliment enrichi en fibres, en particulier en lignine, n'exerce aucun effet sur les caractères de reproduction des lapines nullipares inséminées à 16 semaines.

Au cours du précédent congrès mondial, Rommers concluait qu'une restriction alimentaire au cours de la phase d'engraissement permet une meilleure homogénéité des poids à la 1ère IA (à l'âge de 17,5 semaines), conduisant à de meilleures performances lors du premier cycle de reproduction. Toutefois, les derniers travaux démontrent qu'une restriction alimentaire appliquée à des lapines trop précocement, est susceptible de retarder la puberté et diminuer la fertilité à la 1ère IA. Cependant, des programmes alimentaires enrichis en fibres représentent une perspective intéressante mais leur composition (quantité et nature des fibres) ainsi que la période d'administration doivent être précisés. On peut regretter la diversité des conditions expérimentales (âge à la 1ère IA, durée, début et fin d'application des régimes alimentaires, mode de reproduction …) qui rend difficile, voir impossible la comparaison des résultats.

les expérimentateurs sont à la recherche de méthodes permettant d'accroîttre le pourcentage des lapines en oestrus, gage de réussite de l'IA, sans utilisation d'hormone.   2.2. Induction de l'oestrus.
Cinq communications avaient pour objectif la recherche de méthodes alternatives à l'utilisation d'hormones pour induire l'œstrus. Il s'agit d'un modèle de programme alimentaire, de stimulations lumineuses et de l'effet du mâle. Toutes sont appliquées quelques jours avant l'insémination.

Boiti et al (Italie) ont démontré sur des lapines nullipares et pubères, que l'hypophyse antérieure répond au changement du statut nutritionnel provoqué par 48 heures de jeûne et aux stéroïdes ovariens, par l'intermédiaire de l'expression des gènes (ARNm codants pour les récepteurs E2, GnRH et FSH), ainsi que par la régulation de la sécrétion de LH, afin d'ajuster le système reproducteur aux conditions métaboliques. Ainsi, un jeûne de 48 heures peut être un modèle utile pour analyser les interactions entre les facteurs nutritionnels et la fonction de reproduction chez le lapin.

Gerencsér et al (Hongrie) ont confirmé sur 3 cycles de reproduction (42 jours) l'effet positif d'une stimulation lumineuse (passage brutal de 8 à 16 heures d'éclairement 8 jours avant l'IA, retour brutal à 8h le jour de l'IA) sur la productivité (+16% par rapport au témoin), ainsi qu'une légère altération de la croissance des jeunes entre 12 et 16 jours d'âge. Cependant, la durabilité des effets positifs de cette stimulation reste à prouver.

Theau-Clément et al. (France) ont étudié les effets de différents programmes lumineux, sur la réceptivité sexuelle de lapines maintenues sans production pendant 18 semaines. Une stimulation brutale de 8 à 16 heures d'éclairement entraîne en 7 jours, l'augmentation du pourcentage de lapines réceptives de 55 à 90% et ce taux se maintient (>80%) pendant une semaine. Sept semaines après, ces lapines sont toujours plus réceptives que les lapines témoin placées sous 16 heures d'éclairement constant.

Dans l'objectif d'optimiser la production d'embryons, Virag et al. (Hongrie) ont mesuré l'effet d'une stimulation lumineuse 10 jours avant l'insémination sur 40 lapines nullipares âgées de 17 semaines. Le lot témoin était sous 16 heures d'éclairement constant. Les 3 autres groupes de lapines initialement sous 8 heures d'éclairement ont une photopériode augmentée respectivement de 4, 6 ou 8 heures. Aucune des stimulations lumineuses n'a permis d'améliorer, par rapport au témoin, la production d'embryons mesurée 48 heures après l'insémination. Ces résultats suggèrent que la stimulation lumineuse est trop précoce par rapport à l'IA, sur des lapines sans doute physiologiquement trop jeunes pour exprimer une sensibilité au photopériodisme, de plus, la taille du dispositif expérimental est modeste.

Globalement, les travaux présentés à Vérone militent en faveur de l'utilisation d'une stimulation lumineuse (passage brutal de 8 à 16 heures d'éclairement) pour améliorer la réceptivité sexuelle des lapines au moment de l'IA et plus généralement la productivité des lapines. Cependant, le moment optimal de la stimulation doit être étudié, ainsi que les modalités de retour au programme lumineux de base et la durabilité de ces effets favorables.

Enfin, Ola et al. (Nigeria) ont étudié la relation entre le niveau de stimulation entre la femelle et le mâle (contacts auditif + olfactif, contacts auditif + olfactif + visuel ou absence de contact) sur l'évolution des populations cellulaires de la lumière vaginale des lapines. Des frottis vaginaux ont été réalisés sur 12 lapines multipares pendant 29 jours. L'auteur conclut que des stimulations olfactives, auditives et visuelles pourraient contribuer à préparer les lapines au comportement d'œstrus (moins de cellules parabasales dans la lumière vaginale des lapines isolées). Cependant, ces dernières années, les différents travaux qui ont consisté à utiliser un hypothétique " effet mâle " pour induire la réceptivité des lapines ont échoué.

 

Il semble possible d'induire l'ovulation en mettant le facteur hormonal dans la dose de semence utilisée pour l'IA, mais les doses expérimentées sont 3 à 30 fois supérieures à celle utilisée classiquement en injection.   2.3. Induction de l'ovulation.
Deux communications concernent l'administration de facteurs hypothalamiques directement dans la semence, au moment de l'insémination de lapines réceptives (traitement PMSG). Cette technique permettrait d'éviter l'injection intramusculaire faite après l'insémination. Ondruška et al (Slovaquie) ont testé un " superanalogue " de GnRH-Lecirelinum (Supergestran, République tchèque) administré à des doses variant de 2,5 à 15,0 g, en comparaison avec l'injection intramusculaire de 2,5 g (lot témoin) de cette même molécule. Le GnRH et la semence sont incubés à température ambiante pendant 30 minutes. Les auteurs concluent que l'administration dans la dose d'IA de 7,5 g de GnRH-Lecirelinum permet de gagner 9,4% de fertilité par rapport au lot témoin. Nous préférons considérer que le dispositif expérimental ne permet pas de conclure sur la dose optimale de GnRH dans la semence, dans la mesure où le nombre d'inséminations pour chaque lot varie de 19 à 234, les doses d'insémination de 0,5 à 1,5 ml.
Quintela et al (Espagne) ont également testé l'efficacité de 25 g d'un analogue de GnRH des-Gly10, D-Ala6 -LHRH éthylamide ajouté directement à la semence (270 IA) en comparaison avec l'injection intramusculaire de 20 g de Gonadoréline (GnRH, 270 IA). L'ajout de l'analogue de GnRH dans la semence conduit à une fertilité supérieure (91,1 vs 85,6% pour le lot témoin). Les auteurs recommandent donc d'induire l'ovulation par l'administration directe de 25 g d'un analogue de GnRH dans la semence, afin d'améliorer le bien-être des lapines et le coût de production.

Ces travaux très novateurs et prometteurs doivent être cependant considérés avec prudence. Avant de recommander la généralisation de ces techniques, il nous semble important de les tester sur des lapines non-réceptives (oestrus induit dans les 2 expériences présentées) afin de vérifier que la fréquence d'ovulation est de même niveau qu'avec une injection intramusculaire de 0,8 g de Buséréline (Réceptal) ou 20 g de Gonadoréline (GnRH). Il faut aussi rappeler que les doses testées dans ces essais sont de 3 à plus de 30 fois supérieures à celles utilisées dans nos élevages, une approche économique complète doit donc être réalisée.

 

Ralentir le rythme de reproduction améliore certines perfomances mais l'économie n'est pas au rendez-vous   2.4. Rythmes de reproduction.
Sur 100 nullipares, Brecchia et al (Italie) ont comparé deux rythmes de reproduction pendant 7 cycles. La moitié des lapines était inséminée tous les 42 jours, alors que l'autre moitié n'était inséminée que lorsque le poids de gras périrénal était compris entre 15 et 30g (estimation par ultra sons). Comparé au lot témoin, les lapines soumises au rythme " sous condition " sont plus réceptives (multipares : + 47%), plus fertiles (multipares : + 19%) et ont une taille de portée supérieure (multipares : + 0.8 nés vivants). Les multipares ont des niveaux de leptine supérieurs, reflétant une meilleure condition corporelle. Les auteurs concluent que ce rythme " sous condition " est mieux adapté aux potentialités de reproduction des lapines. Toutefois, on peut regretter qu'ils n'aient pas indiqué l'intervalle moyen entre la mise bas et l'IA et n'aient pas comparé la productivité moyenne par unité de temps.

Par ailleurs, Szendro et al (Hongrie) ont comparé sur 336 jours, 2 rythmes de reproduction : 42 vs 56 jours, les lapines étaient donc inséminées 11 ou 25 jours après la mise bas. Pour le lot 42, l'allaitement était contrôlé les 3 jours précédant l'IA, pour le lot 56, les lapereaux étaient sevrés 2 jours avant l'IA. Les tailles de portée ne sont pas influencées par le rythme de reproduction par contre, les lapines du lot 56 sont plus fertiles (89,3 vs 82,9%), ont une meilleure longévité (survie à 363 jours : 26% vs 13%) ainsi qu'un poids à la mise bas supérieur (4,5 vs 4,2 kg). De plus, le poids des lapereaux à 11 semaines est plus élevé (2,7 vs 2,6 kg). Les auteurs concluent que l'IA 25 jours après la mise bas améliore les performances de reproduction et la longévité des reproductrices et permet d'éviter le recours à des biostimulations (sevrage 2 jours avant IA), cependant cette technique n'est pas économiquement viable pour les éleveurs (52 vs 69 nés vivants/an).

En résumé, ces techniques démontrent clairement l'intérêt d'extensifier les rythmes de reproduction tant au niveau des performances par IA et de la survie des reproducteurs, cependant elles ne sont pas actuellement économiquement viables pour les producteurs.

 

   

2.5. Autres facteurs influençant la production.
Gerencsér et al (Hongrie) ont montré que la couleur de la lumière (blanche ou bleue) n'influence pas les performances de reproduction. Cependant les lapines sous une lumière bleue consomment moins d'aliment au cours de la 3ème semaine de gestation. Les poids de portée sont plus élevés 23 jours après mise bas, conduisant à une productivité globale numériquement plus élevée dans la cellule éclairée par une lumière bleue (3,1 vs 2,9 kg/IA).

 

Production spermatique   Dans son rapport général C. Castellini (Italie) a présenté les travaux récents sur les facteurs influençant la production spermatique. Il insiste sur la grande variabilité des caractéristiques de la semence, ainsi que sur la difficulté à identifier des critères prédicteurs de la fécondance du sperme. L'auteur a réalisé un travail original sur les granules contenus dans la semence. Sécrétés par la prostate, ces particules sont mises en contact avec les spermatozoïdes au moment de l'éjaculation. Elles semblent impliquées dans la synchronisation entre le moment de l'ovulation et la réaction acrosomique. L'ovulation ayant lieu quelques heures après l'accouplement, les granules contribueraient à retarder la capacitation afin d'éviter une réaction acrosomique trop précoce susceptible d'altérer le pouvoir fécondant. L'auteur termine sur des perspectives de recherche. En effet un programme européen récent a permis de montrer que la semence de lapins est un bon modèle pour des études toxicologiques et métaboliques, permettant d'analyser les causes de la diminution de la fertilité humaine ces dernières années dans les pays industrialisés.

Trois communications de la session reproduction ont été présentées sur les relations qui lient la production spermatique avec les effets génétiques et environnementaux.

Des indicateurs de stress oxydatif (anion O2- , activité d'enzymes antioxydantes : superoxyde dismutase et catalase et péroxydation des lipides) ont été étudiés pour la première fois par García-Thomá et al (Espagne) dans les testicules de lapins appartenant à 2 lignées (Caldes : sélection sur vitesse de croissance et Prat : sélection sur la taille de portée au sevrage). Des changements importants du métabolisme oxydatif sont observés chez les jeunes et pourraient expliquer les changements concomitants entre la structure testiculaire et sa fonction. Cependant, les deux lignées ont des niveaux et des profils de développement similaires sur toutes les variables étudiées. Ces mêmes auteurs ont étudié sur 350 mâles sélectionnés sur la vitesse de croissance, l'influence d'un index combinant la température et l'hygrométrie (ITH) de faible à modéré, sur les caractéristiques de la semence. Chez le lapin, la température de confort est environ de 21°C et les performances de reproduction peuvent être altérées quand l'ITH est supérieur à 27,8. A un ITH voisin de 22 est associé un volume plus important et une diminution de la présence d'agglutinations. A l'opposé, un index voisin de 16 est associé à la diminution de la fréquence d'urine, de dépôt de carbonate de calcium et de spermatozoïdes morts.

Dans l'objectif de mieux préciser les conditions optimales de collecte des lapines, Rodriguez-De Lara et al (Mexique) ont étudié en particulier, l'effet de la présence de lapines sur les caractéristiques de la semence. La présence des lapines dans la cellule des mâles améliore l'ardeur sexuelle (-0,9 sec), le volume (+0,21 ml), le pourcentage de spermatozoïdes motiles (+17,4 %), la concentration (+ 50 x 106) et le nombre de spermatozoïdes vivants par éjaculat (+ 45 x 106).

Ces études permettent de mieux préciser les conditions environnementales susceptibles d'améliorer la production spermatique.

 

Biotechnologies de la reproduction
1 - Congélation de la semence
 

Ces études sur la biotechnologie de la reproduction sont importantes en particulier pour la conservation des ressources génétiques.

Cortell et Viudes de Castro (Espagne) ont mesuré l'effet de l'addition de gélatine au milieu de congélation de la semence en utilisant un dilueur commercial (MIII) ou un dilueur chimiquement défini à base de tampon Tris. L'addition de gélatine n'a eu d'influence ni sur la viabilité des cellules après réchauffement, ni sur les résultats d'insémination.

Daader et al. (Egypte) ont congelé de la semence de 20 mâles dans trois milieux (tris-jaune d'œuf-fructose, lactose-jaune d'œuf-citrate et sucrose-jaune d'œuf-citrate) comprenant différents types et niveaux de cryoprotecteurs (glycérol et diméthylsulfoxyde) et conditionnés dans des paillettes ou des " pellets ". Les milieux sucrose-jaune d'œuf-citrate et tris-jaune d'œuf-fructose associés à 2% de glycérol ou 4% de diméthylsulfoxyde utilisant un conditionnement de la semence en paillettes, permettent une meilleure viabilité après décongélation et une intégrité acrosomique supérieures.

 

2 - Congélation des ovocytes  

La conservation des ovocytes est un challenge important pour les cryobiologistes. Salvetti et al. (France) ont évalué sur des ovocytes ovulés, l'effet d'une congélation lente ou de la vitrification (congélation rapide avec concentration très importante de cryoprotecteurs) sur le niveau d'ATP des ovocytes ovulés. Les ovocytes congelés par vitrification ont un métabolisme plus élevé (4,9 vs 2,9 pmole d'ATP), suggérant que cette technique est plus adaptée à la congélation des ovocytes que la congélation lente.

 

3 - Production d'embryons  

Afin d'optimiser la production d'embryons, Cortell et Viudes de Castro (Espagne) ont quantifié l'effet de la répétition de traitements de superovulation à partir de FSH recombinante humaine (rhFSH), sur l'intensité d'ovulation et la production d'anticorps anti-FSH. Le taux de lapines hyperimmunes augmente après la 3ème injection, cependant, une variabilité individuelle très importante de la réponse immunitaire est mise en évidence. Néanmoins, l'intensité d'ovulation reste toujours plus élevée dans le groupe rhFSH que dans le lot témoin.

 

4 - Congélation d'embryons  

Celestinos et Gatica (Mexique) ont soumis 125 embryons à 5 traitements : témoin (sans traitement), section en 2 demi-embryons, vitrification, section puis vitrification, vitrification puis section. La vitrification peut être utilisée sur des ½ embryons, mais la qualité initiale des embryons reste le facteur de réussite primordial.

 

Nouvelles méthodes et outils de mesure
1 - Méthodes et outils à vocation d'application
  Composition corporelle.
Bonanno et al. (Italie) proposent une méthode simplifiée de mesure de la composition corporelle (CC) par palpation (échelle à 3 niveaux : 0 : râble étroit, 1 : râble intermédiaire et arrière train peu développé et 2 : râble et arrière train larges). La composition corporelle de 96 lapines a été mesurée à 1, 11, 21 et 28 jours post partum (et 32 jours pour les lapines vides du cycle précédent) au cours de 3 cycles de reproduction. La fertilité est supérieure pour CC=1 illustrant l'effet négatif d'un manque ou d'un excès de graisse corporelle (respectivement 52,0, 84,9 et 58,6% pour 0, 1 et 2). Une composition corporelle faible (= 0) est aussi associée à une faible prolificité, ainsi qu'à une mortalité accrue des jeunes entre la naissance et 11 jours. A l'opposé, une composition corporelle élevée (= 2) est aussi associée à un taux d'élimination des femelles plus élevé. Les défauts de fertilité et le taux d'élimination semblent plus liés à un poids excessif qu'à une faible condition corporelle. Cette méthode peut permettre d'évaluer rapidement l'état corporel d'un cheptel de reproductrices.
   

Détection du comportement d'oestrus.
Contreras et al. (Mexique) ont utilisé 8 lapines ovariectomisées (expérience 1) puis traitées au benzoate d'oestradiol (expérience 2) pour tester la réceptivité des lapines : une pression de l'arrière-train par un sac de sable pesant de 0,5 à 3 kg (simulant le poids du mâle pendant la monte) ou des battements effectués par la main dans l'aire périnéale (3/sec, simulant l'exploration du mâle au moment de l'accouplement). Les résultats présentés ne permettent pas de conclure sur sa valeur d'indicateur de réceptivité sexuelle.

 

2 - Méthodes et outils à vocation de recherche   Production laitière.
La méthode classique d'estimation de la production laitière consiste à peser la lapine avant et après tétée. Donkó et al (Hongrie) ont testé la tomographie assistée par ordinateur. Atraumatique, cette méthode présente l'intérêt de donner une image d'une section de la glande mammaire des lapines, et d'estimer donc de manière indirecte la production laitière. La corrélation entre les deux méthodes est de 0,96. Les auteurs concluent à l'intérêt de cette technique qui dépend toutefois de la localisation des paires de glandes mammaires.

Croissance folliculaire.
Marongiu et al (Italie) ont étudié par échographie, la croissance folliculaire dans la phase post ovulatoire. Une pseudogestation a été induite par l'injection de 100 IU de hCG à 24 lapines. Les populations folliculaires ont été étudiées avec succés à J0, J2 et J6 de pseudogestation. L'échographie, méthode non-invasive, devrait permettre de mieux comprendre l'établissement des vagues folliculaires, point clé de la maîtrise de la reproduction.

Maturation du cytoplasme de l'oocyte.
Le glutathion est un marqueur biochimique de la maturation du cytoplasme, il pourrait donc être un indicateur de la qualité de l'ovocyte. En effet, Laborda et al (Espagne) ont montré que la concentration en glutathion, mesurée sur des ovocytes de 59 lapines (15 heures après saillie avec un mâle vasectomisé) a varié de 4,7 à 10,3 pmole/ovocyte, elle augmente quand l'intensité d'ovulation diminue, suggérant ainsi une qualité ovocytaire moindre.

Evaluation de la qualité de la semence.
Afin d'évaluer la qualité de la semence, El-Battawy (Egypte) propose le test de réduction de la résazurine. Le taux de réduction de la résazurine diminue quand le temps de conservation de la semence augmente, la corrélation la plus élevée est obtenue pour le pourcentage de cellule vivantes (r=0,98) et l'intégrité de l'acrosome (r=0,87). Les auteurs concluent que ce test pourrait être utile pour l'évaluation de la qualité de la semence de lapin. Il faut rappeler cependant, que ce test nécessite un volume important de semence (200 µl) et 1 heure d'incubation, ce qui retarde la décision de son utilisation pour l'IA.

Très récemment, des études ont montré que les caractéristiques morphométriques des spermatozoïdes seraient spécifiques des mâles et donc peu variables entre éjaculats. A partir d'un système CASA (Computerized Assisted Semen Analysis), Lavara et al. (Espagne) obtiennent des corrélations significatives entre la largeur et la surface des têtes des spermatozoïdes et le pourcentage de cellules motiles (respectivement, r=+0,42 et r=+0,37) et le pourcentage de spermatozoïdes anormaux (r=-0,25 et r=-0,24). Des liaisons significatives ont été aussi obtenues avec la vitesse des cellules. Les auteurs concluent que les paramètres morphométriques de la tête des spermatozoïdes associés à la connaissance de la concentration et des paramètres de motilité pourraient permettre de mieux prédire la fécondance de la semence de lapins.

 

Conclusion   Ce congrès a été marqué par quelques travaux novateurs. Pour une application dans les élevages, ils concernent en particulier :
- l'administration de GnRH directement dans la semence,
- une méthode simple et rapide de mesure de la composition corporelle,
- l'importance des modalités d'utilisation des programmes lumineux.
On doit enfin noter une amélioration de la connaissance :
- des conséquences d'une injection de GnRH sur des lapines pseudogestantes,
- des interactions entre la composition corporelle des lapines et leurs performances de reproduction,
- des paramètres d'évaluation de la semence : les caractères morphométiques de le tête des spermatozoïdes pourraient être de nouveaux critères de qualité,
- du rôle des granules d'origine prostatique qui moduleraient le moment de la réaction acrosomique.

Certaines de ces pistes doivent être poursuivies pour pouvoir être traduites par des recommandations précises. Des méthodes simples bien que parfois subjectives, voient le jour par exemple pour évaluer facilement et rapidement la composition corporelle des animaux. De plus, des techniques plus sophistiquées représentent un espoir important, pour mieux comprendre et donc mieux maîtriser la reproduction dans les élevages. En particulier, chez la lapine, un meilleur contrôle de la reproduction passe par une meilleure connaissance de l'établissement des vagues folliculaires, la possibilité d'utiliser des méthodes non invasives comme l'échographie, doit permettre de suivre sur une même lapine la croissance folliculaire. Chez le mâle, l'évolution des méthodes d'évaluation de la qualité de la semence devrait apporter une meilleure connaissance des critères prédicteurs de la fécondance.

La mise en œuvre de méthodes et outils de mesure nouveaux sont essentiels à l'évolution de nos pratiques vers une agriculture prenant mieux en compte la demande du producteur et du consommateur ainsi que le bien-être animal, qui sont les nouveaux enjeux d'une agriculture plus durable.

 

    REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient Laurence Lamothe et Jean-Michel Brun pour le soin qu'ils ont apporté à la relecture de ce document.
   
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