CUNICULTURE
Magazine Volume 33 (année 2006) pages 78 à 85

Caractérisation des Systèmes de Production cunicole français
et Perspectives d'évolution


d'après

Annick AZARD

ITAVI, Service Economie
28 rue du Rocher , 75008 Paris

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Avertissement : Ce texte a été réalisé par la rédaction de CUNICULTURE Magazine à partir du Dossier « La production cunicole française. Caractérisation des systèmes de production et Perspectives d'évolution » par A. AZARD publié par l'ITAVI en juin 2006 et disponible sur le Web dans son intégralité (79 pages) ou sous forme d'une synthèse (8 pages) et même d'un diaporama.

 
 

 

Objet de l'étude. Depuis le début des années 90, la production cunicole française n’a cessé d’évoluer. La conduite en bandes et l’insémination artificielle sont maintenant largement pratiquées, ce qui a permis une rationalisation de l’élevage et une augmentation de la taille des ateliers. Toutefois, ces évolutions ne se sont pas faites de façon uniforme dans les différentes régions de production et dans tous les élevages. Les systèmes de production actuels sont donc variés et les données micro-économiques montrent une large diversité des résultats (résultats de GTE RENACEB et RENALAP et du réseau de fermes de références CUNIMIEUX). D’après la FENALAP, les agrandissements et les créations permettraient encore de compenser les cessations d’activité au niveau de la production organisée, mais le potentiel de production risque de se réduire dans les prochaines années ce qui interpelle l’ensemble de la filière. Dans ce contexte d’évolution rapide des systèmes de production et d’inquiétude au sujet du renouvellement des éleveurs, il est apparu nécessaire aux professionnels de la filière d’identifier et de caractériser les différents types d’exploitations cunicoles existant actuellement et de déterminer leurs perspectives d’évolution ainsi que celles de l’ensemble de la production cunicole française dans les prochaines années..

 
     
 
Représentativité des données récoltées  

Une enquête à destination de l’ensemble des éleveurs de lapins a été réalisée par voie postale entre avril et septembre 2005, transmise par l’intermédiaire des organisations de production et des fabricants d’aliment. 680 éleveurs ont accepté de participer, ce qui correspond à près de 350 000 femelles en production (23 organisations de production, 5 % d’éleveurs indépendants) et témoigne d’une forte mobilisation. On peut estimer que cette enquête concerne près de 50 % des lapines en production organisée, et près de 30 % de la totalité des lapines en production en France.

Des entretiens auprès de professionnels des autres maillons de la filière ont en outre été menés afin de compléter les informations issues de l’enquête et analyser les perspectives d’évolution à moyen terme des différents systèmes de production ainsi que de l’ensemble du marché cunicole. Ils ont été conduits auprès de cinq des plus gros intervenants du secteur abattage, représentant plus de 75 % des abattages contrôlés en 2005 (selon le SCEES), et auprès de représentants du SNIA et du SYNCOPAC pour le maillon aliment et du SYSELAF pour le maillon sélection.

 

Caractérisation des exploitations cunicoles


Figure 1 : Répartition entre les régions des 680 éleveurs ayant répondu à l'enquête

Répartition géographique des exploitations La majorité des élevages enquêtés est située dans le Grand Ouest (figure 1) et particulièrement en Pays de la Loire (48 %). Néanmoins, les régions de production de moindre importance en volume, comme le Nord-Pas de Calais, le Centre, le Massif Central et le Sud de la France, sont également représentées. Cette répartition géographique correspond relativement bien à celle des élevages en production organisée (d'après l'enquête FENALAP) ou des élevages suivis en GTE ; il semble néanmoins que les régions Rhône-Alpes et Bretagne soient légèrement sous-représentées, tandis que la Basse-Normandie et les Pays de la Loire seraient plutôt un peu sur-représentés. Un tiers des éleveurs indépendants enquêtés se trouvent en Bretagne et un peu plus du tiers dans les Pays de la Loire.

Niveau de spécialisation des exploitations On considère ici la part que l’activité cunicole représente dans le chiffre d’affaires (CA) global de l’exploitation : 26 % des exploitations enquêtées sont spécialisées à 100 % dans le lapin, ce sont des mono-producteurs de lapin. Ces ateliers ont en moyenne 570 femelles présentes, soit un peu plus que l’ensemble de l’échantillon (510 femelles). Les ateliers les plus nombreux sont ceux pour lesquels le lapin représente 75 à 99 % du CA (640 femelles). Globalement, pour 63% des exploitations ayant répondu, le lapin représente plus de 50% du chiffre d'affaire de l'exploitation. Il faut toutefois remarquer que le lapin peut ne pas représenter qu'un fraction du chiffre d’affaires de l’exploitation mais constituer cependant une unité bien spécialisée, par exemple au sein d’un GAEC. Les exploitations gérées en groupe (EARL, GAEC,...) représentent en effet que 53% des élevages ayant répondu à l'enquête.

 


Tableau 1
: Conduite de la reproduction dans l’enquête éleveurs, les GTE et l’enquête FENALAP

Figure 2 : Répartition des élevages en fonction du nombre moyen de lapines présentes

RÉGIONS
Tail.
%
 Bretagne
563
25
 Pays de la Loire
534
48
 Poitou-Charentes
532
46
 Nord-Pas de Calais
511
65
 Basse Normandie
432
83
 Auvergne
430
48
 Midi Pyrénées
246
22
Tableau 2: Taille moyenne des élevages (Tail.) et pourcentage d'élevages vendant leur produit sous signe de qualité (%), dans les principales régions (celles ayant + de 2 % des élevages)

 

Pyramide des âges des éleveurs . Les éleveurs enquêtés avaient en moyenne 45 ans en 2005, 13 % d’entre eux ayant moins de 35 ans et 26 % plus de 50 ans. Ceci correspond aux résultats de l’enquête FENALAP en 2004 (17 % de moins de 35 ans et 23 % de plus de 50 ans). Par contre on observe une différence importante avec la proportion de plus de 50 ans dans l’ensemble des exploitations agricoles professionnelles en 2003 (enquête structure, Agreste) qui atteint 39 % contre 26% pour le cuniculteurs enquêtés. Ceci rejoint le fait que la production cunicole se développe sensiblement depuis une vingtaine d’années.

L’atelier cunicole La conduite d’élevage prépondérante est l’insémination artificielle avec conduite en bande unique à 42 jours : elle concerne près de trois quarts des élevages enquêtés (tableau 1). D’autres conduites persistent encore, avec notamment 6 % des élevages en saillie naturelle. Ces proportions sont du même ordre de grandeur que celles obtenues en programme de GTE ou dans l’enquête FENALAP. Près du tiers des élevages enquêtés fonctionnent en système tout plein – tout vide (utilisation de 2 bâtiments utilisés alternativement en maternité et en engraissement avec transfert des lapines au sevrage).
La plupart des élevages enquêtés ont une taille comprise entre 200 et 600 lapines en production, mais on trouve également quelques ateliers bien plus importants : 5 % des élevages comptent plus de 1 000 lapines et 4 élevages ayant répondu avaient plus de 2000 femelles (figure 2). La répartition est assez proche de celle de l’enquête FENALAP en 2004, avec cependant un peu moins de petits et un peu plus de gros ateliers (24 % de moins de 250 lapines et 7 % de plus de 800 lapines).

La taille moyenne des élevages enquêtes est de 510 femelles présentes, mais il existe des disparités importantes selon les régions. Ainsi, les ateliers du Grand Ouest et du Nord-Pas de Calais comptent plus de 500 femelles présentes en moyenne alors qu'il n'y en a que 246 en moyenne dans les élevages de Midi-Pyrénées (tableau 2). Ces contrastes sont liés à certains choix techniques : les ateliers en conduite individuelle ont 178 lapines en moyenne, ceux en conduite en bandes unique ou multiples 521 lapines (certains ateliers de taille très importante sont plutôt en bandes multiples), ceux en système tout plein - tout vide, 604 lapines, et ceux avec une alimentation automatique en maternité et en engraissement atteignent même une taille moyenne de 690 lapines en production.

Démarches de certification Près des deux tiers des ateliers cunicoles enquêtés possèdent une certification de type Agri Confiance® (NF V01-005 et NF V01-007, système de management de la qualité de la production agricole dans les domaines de la sécurité des aliments, la traçabilité et la maîtrise des impacts environnementaux). Elle concerne majoritairement des ateliers situés dans l’Ouest (lié à la localisation géographique des groupements ayant engagé ce type de démarche), en particulier en Pays de la Loire et Basse-Normandie (respectivement 73 et 88 % des ateliers).

En ce qui concerne la démarche qualité du produit vendu, la production de lapin standard reste majoritaire avec 55 % des exploitations enquêtées, mais 33% des exploitations produisent du lapin sous CCP (Certification de Conformité Produit), 1% sous Label Rouge et 14% sous un autre cahier des charges (référentiel détenu par l’organisation de production ou par l’abattoir, avec ou sans contrôle par une tierce partie et entraînant des contraintes plus ou moins importantes). A noter que la proportion d’élevages produisant du lapin certifié est bien supérieure aux 16% de l’enquête annuelle qualité du SCEES en 2004.. On retrouve des variations régionales : à peine un quart des ateliers produisent du lapin sous un signe de qualité en Bretagne et en Midi-Pyrénées (tableau 2), alors que dans d'autre régions le proportion peut atteindre 65% voire 83% comme dans le Nord-Pas de Calais ou la Basse Normandie respectivement. Près de la moitié des élevages créés depuis 2000 est orientée vers une production certifiée.

 


Figure 3
: Effectif par date d'installation/création de l'élevage au sein de l’échantillon
(créations ou reprises)

 

Alimentat. automatique
Ensemble
2000
2005
Mat & Eng
41%
68%
Maternité
5%
2%
Engraissem.
8%
3%
Aucune
46%
27%
Tableau 3 : Proportions d'élevages ayant une alimentation automatique, pour l'ensemble des élevage (676 réponses) et ceux créés depuis 2000

Evolution des installations en élevage cunicole. Pour les élevages en activité en 2005, on observe deux pics marqués dans les dates d'installations (créations ou reprises), l'un en 1987 et l'autre en 1992 (figure 3), correspondant essentiellement à des exploitations non spécialisées, situées en majorité en Pays de la Loire (près de 70 % pour les dates d'installations situées en 1992). Globalement cela donne une date moyenne de création des élevages située en 1990, autrement dit, les élevages cunicoles avaient en moyenne 15 ans d'existence au moment de l'enquête.

Au sein de l’échantillon des élevages présents en 2005, le nombre d’installations en élevage cunicole depuis la fin des années 90, oscille entre 10 et 20 par an, avec une moyenne annuelle de 15 installations entre 2000 et 2004 (soit 2,2 % des exploitations présentes). La baisse apparente en 2005 s’explique sans doute uniquement par le fait que l’enquête ait été conduite en milieu d’année.

Par ailleurs, si le nombre d’ateliers cunicoles créés depuis 2000 est maximum en valeur absolue en Pays de la Loire (17 sur 66), la part représentée par ces ateliers nouvellement créés par rapport à l’ensemble des ateliers enquêtés région par région est plus faible dans les régions du Grand Ouest et plus forte dans les régions de production de moindre importance en volume : 33% en Midi Pyrénées, 24% en Auvergne et Nord-Pas de Calais, 21% en Basse Normandie, mais seulement 8% en Bretagne et 5% dans les pays de la Loire et Poitou-Charentes.

Alimentation automatique : Plus de la moitié des élevages enquêtés sont en alimentation automatique dans au moins un de leurs bâtiments et 41 % le sont à la fois en maternité et en engraissement. Cette proportion est encore plus importante au sein des ateliers créés depuis 2000, avec plus des deux tiers en alimentation automatique en maternité et en engraissement.
Les bâtiments les plus fréquemment équipés en alimentation automatique sont les tunnels, probablement parce qu'ils sont en moyenne plus récents. On constate des différences notables selon les régions, avec une proportion maximum
d’ateliers en alimentation automatique en maternité et en engraissement en Nord-Pas de Calais (50%), Pays de la Loire et Poitou-Charentes (46%) et minimum en Auvergne (25%) et surtout en Midi Pyrénées (11%) là où sont situés les élevages les plus petits en moyenne.

 


Figure 4 :
Temps moyen de travail en heures par femelle et par an en fonction des régions (regroupant plus de 1% des élevages enquêtés)


Tableau 4 : Temps de travail sur l'ensemble de l'élevage en fonction des différents choix techniques

Investissements récents Pour les élevages créés entre 2000 et 2005, l’investissement se monte en moyenne à près de 300 € (± 90 €) par femelle présente, soit environ 390 € par cage mère, et à 130 € (± 95 €) par femelle présente pour une rénovation (y compris les agrandissements) sur la même période, soit environ 170 € par cage mère. Il semble intéressant d’étudier de façon plus détaillée certaines caractéristiques des 66 ateliers cunicoles créés depuis 2000 : 39 % sont spécialisés en lapin (100 % du chiffre d'affaires), ce qui représente une proportion plus importante que dans l’ensemble de l’échantillon. La taille moyenne de ces ateliers est de 552 lapines, les deux tiers sont en alimentation automatique en maternité et en engraissement et les trois quarts sont créés pour une gestion en système tout plein-tout vide.

Disponibilité en main-d’œuvre et temps de travail. Les ateliers cunicoles enquêtés ont 1,1 UTH en moyenne pour l’atelier cunicole, dont une faible part salariée (0,1 UTH), ce qui correspond à 1 UTH pour 464 femelles sur l’échantillon. Sur l'ensemble, 22% des éleveurs enquêtés ont déclaré faire appel à de la main-d’oeuvre occasionnelle rémunérée lors des pointes de travail, notamment pour les inséminations, le nettoyage-désinfection ou l’enlèvement des lapins en fin de bande. Le temps de travail s’élève à 4,3 heures par femelle et par an en moyenne sur l’échantillon, avec des variations importantes selon les régions (figure 4). Le temps annuel passé par femelle varie du simple à plus du double entre les régions de grande production du grand ouest (3,7 à 4,0 h par lapins et par an) et les régions à "petits" élevages comme Midi Pyrénées (8,5 h / lapine)

On observe clairement l’intérêt de certains choix techniques sur le temps de travail par femelle et par an : 4,0 heures pour les ateliers en insémination artificielle, 3,6 heures en système tout plein – tout vide, et même 3,2 heures en alimentation automatique en maternité et en engraissement. Parmi les différents choix techniques de l'éleveur, c'est le choix du type de conduite de reproduction qui a le plus d'incidence : 11,4 h/femelle et par an pour une gestion individuelle des lapines, contre 3,8 h/ femelle et /an pour les élevages conduits en bande unique (tableau 4). Rappelons cependant que généralement pour pouvoir faire les choix techniques permettant une économie de main d'œuvre, il a fallu faire soit un investissement initial important concernant la conception de l'élevage (alimentation automatique, acquisition de cages mixtes et d'au moins 2 bâtiments pour gérer du tout plein tout vide, ...) ou une dépense supplémentaire régulière (achat de la semence pour l'insémination artificielle).

 


Tableau 5: Performances techniques moyennes des élevages enquêtés (performances 2004) et comparaison avec la moyenne des GTE pour 2004

 


Tableau 6: Performances technico-économiques de l'élevage en fonction d'un certain nombre de choix techniques ou économiques faits par l'éleveur

Résultats technico-économiques Quelques critères technico-économiques (moyenne 2004 ou 6 dernières bandes) étaient en outre demandés dans l’enquête afin d’avoir une approche des résultats de l’élevage ; ils ont été transmis selon les critères par 60 à 80 % des éleveurs.
On constate que les élevages enquêtés obtiennent des résultats un peu supérieurs aux GTE nationales 2004 en moyenne, (tableau 5) avec un taux de mise bas légèrement plus élevé, un taux de mortalité en engraissement amélioré d’un point, 4 lapins supplémentaires produits par femelle et par an et finalement une augmentation du nombre de kg produits de 1 kg par IA et de la marge sur coût alimentaire de 7 € par femelle et par an. Les facteurs influençant favorablement ces résultats sont l’insémination artificielle et la conduite en bandes, la création ou rénovation récente de l’atelier et le fait que le lapin représente plus des trois quarts du chiffre d’affaires de l’exploitation.

Un avantage se dégage assez nettement sur la plupart des critères présentés pour les élevages en insémination artificielle et en conduite en bandes (tableau 6), avec en outre une variabilité moins importante, ce qui correspond aux résultats de GTE 2004. Si l’intérêt de la bande unique par rapport aux bandes multiples est assez clair sur les mortalités, ce n’est pas le cas sur le nombre de kg produits par IA ou la MCA. Ceci n’est toutefois pas très étonnant compte tenu des caractéristiques de l’échantillon vues précédemment : la taille moyenne des élevages en bande unique et en bandes multiples est identique, quelques très gros élevages étant en bandes multiples. Il est également possible que ces résultats soient biaisés par le fait que les éleveurs en bandes multiples ont en proportion un peu moins transmis leurs résultats.

Les ateliers ayant fait le choix d’une conduite moins intensive en 49 jours ont des taux de renouvellement et de mortalité des femelles diminués. La MCA par femelle et par an n’est toutefois pas très élevée du fait du nombre inférieur de lapins produits par femelle et par an. Il faut cependant souligner ces éleveurs qui ont choisi de solliciter leurs lapines moins souvent auraient du s'attendre à une réduction de la production de 14% correspondant à la réduction du nombre de mises bas théoriques / an par rapport à un rythme 42 jours (365/49 vs 365/42). En fait ils n'ont enregistré qu'une baisse de 12% du nombre annuel de lapins produits par femelle (45,4 vs 51,6) et une réduction de la MCA correspondant aux 14% attendus, et ceci malgré un taux de réussite des inséminations un peu moins bon (77,2% vs 79,9%).

A l'inverse, les 5,4% des éleveurs qui ont choisi une intensification de la sollicitation des femelles en représentant les lapines au mâle ou en les inséminant 4-5 jours après une mise bas (rythme 35 jours), ne semblent pas avoir fait le bon choix puisque non seulement l'augmentation théorique attendue de 20% (365/35 vs 365/42) n'est pas au rendez-vous, mais en plus tous les critères sont moins bons que ceux enregistrés avec le rythme de 42 jours.

Enfin, les éleveurs qui ont fait le choix de rénover leur élevage depuis l'an 2000 semblent, eux, avoir fait le bon choix puisque la marge sur coût alimentaire a été augmentée de 8,3% dans leur élevage, surtout s'ils ont investi plus de 100 € par femelle présente (122,6 vs 113,2 € / femelle pour ceux qui n'ont pas fait de rénovation).

 

 

Perspectives d'évolution de la production cunicole


Figure 5 : Proportions d'éleveurs qui conseilleraient à un jeune de s'installer, en fonction des régions

Ressenti des éleveurs
A la question « Conseilleriez-vous aujourd’hui à un jeune de s’installer en élevage cunicole ? », 54 % des éleveurs enquêtés répondent affirmativement, 29 % expriment une réponse négative et 17 % sont indécis et ne se prononcent pas définitivement. Les principales raisons avancées par les éleveurs pour justifier un encouragement sont la rentabilité correcte de l’atelier, le fait que cette production soit technique et intéressante et que le travail soit planifié et organisé. Au contraire les motivations d’une dissuasion sont la rentabilité insuffisante et aléatoire, l’investissement élevé et la réticence des banques et la maîtrise technique et sanitaire délicate.

La proportion d’éleveurs qui conseilleraient à un jeune de s’installer en élevage cunicole est très variable selon la région (figure 5): moins de la moitié en Bretagne et Poitou-Charentes (respectivement 36 % et 46 % des éleveurs), contre plus des deux tiers en Nord-Pas de Calais (71 %). Il ne semble n'y avoir aucune relation avec la taille moyenne des élevages puisque les éleveurs de Midi Pyrénées et ceux de Poitou-Charentes sont 50% et 46% à conseiller une installation alors que la taille moyenne de leurs élevages est de 532 et 246 lapines respectivement. A l'inverse, les éleveurs de Bretagne sont nettement moins optimistes que ceux des pays de la Loire, alors qu'ils ont des élevages de tailles équivalentes.

Freins à la pérennisation de l’atelier cunicole Les éleveurs enquêtés ont désigné le frein qui leur paraissait le plus important pour la pérennisation de leur atelier cunicole parmi quatre propositions : le montant des investissements nécessaires, les contraintes réglementaires (environnement, bien-être), les problèmes sanitaires et la rentabilité insuffisante. Au sein de l’échantillon, le frein principal est ainsi constitué par les problèmes sanitaires (33% des éleveurs), suivi de près par le montant des investissements (32%). Une rentabilité insuffisante ne vient qu'en 4e position avec 17% des éleveurs qui la placent comme frein principal.

 

Evolution des ateliers cunicoles enquêtés

Évolution
Devenir d'ici 2010
%
Positive
14% des lapines
Agrandissement
certain
9,7
Agrandissement
possible
1,8
Stable
Maintien
69,5

Négative
16% des lapines

Réduction ou arrêt possibles
5,9
Arrêt certain
13,1
Tableau 7: Evolution envisagée pour l'activité cunicole d'ici 2010 Proportion d'élevages (/663 réponses) et % des lapines concernées

 

Devenir de l’atelier d’ici 2010 On considère que l’évolution envisagée par l’éleveur pour son activité cunicole d’ici 2010 est positive s’il envisage un agrandissement de l’atelier cunicole : ceci concerne 12% des exploitations enquêtées et 14% des lapines (tableau 7). L’évolution est stable s’il envisage de maintenir son activité. Cela concerne 70% des exploitations enquêtées. Elle est enfin négative s’il envisage de réduire ou de cesser son activité cunicole (cause retraite ou autre) : ceci concerne 19 % des exploitations enquêtées et 16% des lapines.

Les ateliers récents et de taille importante (plus de 750 lapines) seraient plus enclins à un agrandissement, avec plus de 20% de ces ateliers envisageant une évolution positive, tandis que plus de 30% des ateliers en saillie naturelle et de taille réduite (moins de 250 lapines) envisagent une évolution négative de leur activité cunicole.

Départs en retraite et succession Dans l’échantillon enquêté, 3% des éleveurs en moyenne vont partir chaque année à la retraite d’ici 2015. D’ici 2010, 14 % des éleveurs devraient partir en retraite pour 11% des femelles en production, dont moins du quart aurait aujourd’hui un successeur potentiel pour l’atelier cunicole.
Les départs en retraite d’ici 2010 concernent principalement des ateliers de moins de 400 femelles et qui obtiennent des résultats technico-économiques légèrement inférieurs à ceux de l’ensemble de l’échantillon, mais les résultats des éleveurs ayant un successeur potentiel sont un peu meilleurs. Les éleveurs indépendants, les ateliers de moins de 250 lapines, en conduite individuelle ou en saillie naturelle devraient connaître en proportion plus de départs en retraite d’ici 2010. Le statut d’EARL et plus encore de GAEC est logiquement plus propice à la reprise de l’atelier cunicole.

Estimation de l’évolution du potentiel de production

 

 

 

 

 

Evaluation au sein de l’échantillon En ajoutant aux départs à la retraite prévus d’ici 2010 les évolutions « négatives » de l’activité cunicole dues à d’autres raisons que la retraite et en déduisant les reprises potentielles prévues, on peut évaluer le nombre total de cessations d’activité attendues d’ici 2010.
Au total, 14 % des ateliers cunicoles devraient ainsi cesser leur activité de façon certaine d’ici 2010 pour 10 % des femelles en production. De plus, certains éleveurs n’ont pas encore pris leur décision et hésitent à cesser leur activité, ce qui amène dans l’hypothèse la moins favorable à 16 % des ateliers qui pourraient cesser leur activité d’ici 2010 pour 13 % des femelles en production.
Ceci représente 3,2 % des ateliers arrêtant chaque année d’ici 2010 pour 2,6 % des femelles, ce qui est inférieur aux 102 arrêts d’élevage enregistrés par la FENALAP en 2004 (6,6 % des exploitations pour 4,6 % des femelles) : notre échantillon est en effet constitué d’élevages plutôt performants et dynamiques probablement un peu moins enclins à s’arrêter, les arrêts d’activité comptabilisés dans l’enquête éleveurs sous-estiment donc certainement ceux de l’ensemble de la production française.

 

Besoin de remplacement

 

 


Besoin de création : 46 élevages de 550 femelles

 

Par ailleurs, on a vu que certains élevages comptaient soit agrandir soit réduire leur atelier cunicole d’ici 2010. Pour estimer à partir de ces résultats les conditions de maintien du potentiel de production au niveau de l’échantillon, on fait les hypothèses suivantes : la productivité des lapines est globalement stable, les ateliers qui développent leur activité cunicole augmentent leur capacité de 350 femelles en moyenne, ceux qui la réduisent de 200 femelles, et les ateliers créés ont une taille de 550 femelles présentes (sources : enquêtes FENALAP, SYSELAF et avis d’experts). L’échantillon enquêté étant positif, on choisit de faire un scénario plutôt défavorable en considérant l’ensemble des cessations et réductions d’activité possibles, mais uniquement les agrandissements certains.

Variation des ateliers       Variation nb femelles
108 cessations d’activité possibles          - 44 351
16 réductions prévues X 200                    - 3 200
64 agrandissements certains X 350          + 22 400    
                                             Solde = - 25 151 femelles
                                soit 46 élevages de 550 femelles

Pour maintenir le potentiel de production au sein de l’échantillon enquêté, il faudra donc, en plus de la confirmation des 23 reprises prévues, créer 46 ateliers de 550 femelles : 69 installations seront ainsi nécessaires d’ici 2010 pour maintenir le potentiel de production au sein de l’échantillon, soit 14 installations par an. Or 15 élevages cunicoles se sont installés chaque année en moyenne au sein de l’échantillon entre 2000 et 2004 ; si ce rythme d’installations est conservé, le maintien du potentiel au niveau de l’échantillon semble assuré.

 

Des disparités régionales quant à l'avenir

En menant le même type de raisonnement sur l’échantillon enquêté au sein de chaque région, et en supposant que le rythme d’installation sur 2000-2004 est conservé, on aboutit à une situation contrastée : un maintien du potentiel de production en Pays de la Loire, un manque d’installations en Bretagne et Poitou-Charentes, et plutôt une progression du potentiel de production dans les régions de moindre importance en volume.
Il faut toutefois nuancer ces résultats, la tendance semblant s’être un peu modifiée pour les régions Poitou-Charentes et Bretagne en 2005-2006, avec une situation plus favorable sur les installations. Par ailleurs, la proximité géographique de l’abattoir risque de devenir un paramètre de plus en plus important à l’avenir et pourrait freiner le développement des petites régions.

 

Evaluation sur l’ensemble de la production


Le nombre de clapier familiaux devrait diminuer de 10% par an
au cours des prochaines années


Il est prévu le maintien des ventes par les circuits commerciaux classiques

Estimation de l’offre globale nationale L’échantillon enquêté correspondant aux éleveurs les plus performants et les plus motivés, donc à la situation la plus propice, il est intéressant de tenter une projection de ces résultats sur l’ensemble de la production cunicole française. Ce travail a été fait en distinguant les éleveurs enquêtés (entretenant 29% des lapines françaises en production) et les autres élevages organisé ou non, y compris les petits élevages familiaux de moins de 20 lapines. A chacun a été attribué une hypothèse particulière d'évolution des effectifs (- 7 à -10% par an) avec le maintien de la productivité des lapines. Au bilan, si aucune création n’était réalisée d'ici 2010, on aboutirait ainsi à une baisse de 2,6 millions de lapins par an, soit environ 4,5% de la production nationale.

Estimation de la demande globale : D’après les entretiens réalisés, les abatteurs rencontrés s’accordent sur un marché du lapin stable ou en légère régression dans les prochaines années (hors autoconsommation et vente directe), une stabilité globale des circuits de commercialisation et une réduction de la production familiale, correspondant principalement à de l’autoconsommation et de la vente directe. L’incertitude sur la possibilité de récupérer ou non au moins une partie de cette consommation dans des circuits classiques conduit à envisager deux hypothèses extrêmes, une hypothèse basse dans laquelle les parts de marché relevant de l’autoconsommation et de la vente directe sont complètement perdues, le besoin de production global est donc en diminution, et une hypothèse haute dans laquelle ces parts de marché sont récupérées en totalité, ce qui conduit à un maintien du besoin de production.

Estimation des créations nécessaires sur l’ensemble de la production. D’après ces deux hypothèses sur la perte ou la récupération des parts de marché correspondant à la production familiale, la baisse du nombre de lapins produits à compenser chaque année par des créations d'élevages devrait en fait être comprise entre 1,9 et 2,6 millions de lapins.

Les créations devront donc représenter chaque année entre 40 000 et 55 000 femelles (avec une productivité des élevages créés égale à celle des GTE RENACEB 2004, soit 47 lapins produits / femelle / an), c’est-à-dire 73 à 100 élevages de 550 femelles par an. A titre de comparaison sur 2005, les créations ont représenté 19 000 femelles selon la FENALAP et 36 000 femelles selon le SYSELAF. Mais il faut souligner que la tendance actuelle semble aller clairement vers une accélération des installations.

 

CONCLUSION

Ainsi, cette étude a permis de caractériser précisément les différents systèmes de production existant actuellement et de confirmer qu’il existe aujourd’hui des moyens pour améliorer notablement l’organisation du travail et la productivité de la main-d’oeuvre. Des dynamiques régionales très contrastées ont pu être mises en évidence, en relation avec les atouts et les contraintes propres à chacune des régions. Si le maintien du potentiel de production au sein de l’échantillon enquêté semble assuré, l’offre globale nationale paraît cependant peut-être légèrement insuffisante à moyen terme par rapport à la demande. Mais une incertitude demeure, à savoir quelle sera la capacité de la filière dans les prochaines années à récupérer les parts de marché relatives à la production familiale, mais aussi à maintenir le niveau de consommation et à parvenir à faire évoluer le marché du lapin en terme par exemple de degré d’élaboration et de segmentation, afin de mieux répondre aux besoins des consommateurs.

 

REMERCIEMENTS L'auteur de cette étude tient à remercier tout particulièrement les éleveurs qui ont répondu à l'enquête
mais aussi les organisations de production, la FENALAP, les entreprises et représentants des maillons abattage, fabrication d’aliment et sélection, l’Office de l’Élevage, le CLIPP et le CASDAR, pour leurs contributions respectives à cette étude
 
     
 
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